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Jean-François CARLOT - Docteur en Droit - Avocat Honoraire


JURISPRUDENCE REGLEMENT DE SINISTRES

TROISIEME TRIMESTRE 2000

Mise à jour le 30 septembre 2000
SOMMAIRE



RECEVABILITE DE L'ACTION EN REPARATION TRANSMISE AUX HERITIERS


Le droit à la réparation d'un dommage quel que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers qui sont recevables à agir pour obtenir l'indemnisation de ses dommages matériels et corporels.
C.E., 29 mars 2000, n° 195662; D. 2000, Jur. p.563, note A.Bourrel.

RESPONSABILITE MEDICALE

Geste médical

Chirurgien-dentiste qui lèse le nerf sublingual lors de l'extraction d'une dent de sagesse, alors que la position de ce nerf ne présentait pas d'anomalie.
Cass. Civ. I, 23 mai 2000, n°98-20-440; D. 2000, I.R. p.183

le sectionnement d'une artère poplitée lors d'une ligamentoplastie, alors que celle-ci ne présentait pas d'anomalie rendant son atteinte inévitable.
Cass. Civ. I, 23 mai 2000, 98-19.869; D.2000, I.R. p.192 avec une note

Défaut d'information : notion de préjudice indemnisable

Le préjudice indemnisable est fonction de la chance qu'aurait eu le patient de refuser l'acte de soin ou d'investigation à l'origine d'un dommage.

Lorsque l'acte médical était indispensable pour la survie du malade, mais n'a pas donné les résultations escomptés, il n'est pas besoin d'être juriste pour comprendre qu'il n'y pas eu de préjudice causé par l'absence d'information.

C'est pourquoi, certaines décisions pleines de bon sens ne retiennent la responsabilité du médecin pour défaut d'information que si celui-ci avait eu une "solution alternative" à proposer à son patient.
T.G.I. Lyon, 4e Chb., 26 juin 2000, n°R.G. 1998/14942;

Le problème est plus délicat si plusieurs traitements pouvaient être proposés, et si un choix avait été laissé au malade.

Mais même dans ce cas, peut-on légitimement laisser le malade seul juge du traitement qui lui était le plus adapté ?

C'est pourquoi, après quelques errements, la Cour de Cassation admet que le médecin peut limiter l'information de son patient sur un diagnostic ou ou un pronostic grave, pour des raisons légitimes et dans l'intérêt du malade, conformément à l'article 42 du Code de Déontologie Médicale. Cet intérêt doit être apprécié en fonction de la nature de la pathologie, son évolution prévisible et de la personnalité du malade.
Cass. Civ. I, 23 mai 2000, no 98-18.513, P (en matière psychiatrique).

Le défaut d'information prive le patient de la possibilité de donner un consentement ou un refus éclairé à l'acte médical qui lui est proposé.

Dès lors, le juge doit apprécier le préjudice en fonction des effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou son refus (état de santé du patient, évolution prévisible, personnalité, raison et opportunité du traitement proposé, alternative possible, chance qu'avait le malade de le refuser ou de l'accepter...).

Alors qu'un patient présentait une hérédité et des troubles intestinaux susceptibles de lui faire craindre un cancer du colon, la Cour de Cassation approuve une Cour d'Appel d'avoir estimé que, même s'il avait été informé du risque, il n'aurait refusé ni l'examen endoscopique, ni l'exérèse du polype à l'origine de la perforation.
Cass. Civ. I, 20 juin 2000, 98-23.046; D.2000, I.R., p.198, note; Argus, 11 Août 2000, p.22.

Responsabilité de la Clinique en cas de suicide d'un patient laissé sans surveillance

Le fait qu'un patient attaché sur son lit en raison d'une crise de psychose maniaco-dépressive ait pu attenter à ses jours en mettant le feu au sommier engage la responsabilité de la Clinique pour défaut de surveillance, alors que le risque était connu, et qu'aucun membre du personnel de la Clinique ne se trouvait à l'étage de sa chambre au moment des faits.
Cass. Civ. I, 18 juillet 2000; 99-12.135; D. 2000, I.R. p.217

PERTE DE CHANCE ET ASSIETTE DU RECOURS DES TIERS PAYEURS

L'indemnité de réparation d'une perte de chance ne saurait présenter un caractère forfaitaire, notamment afin de permetre aux tiers payeurs d'exercer leur recours sur la part du préjudice non personnel.

Il appartient au juge :

- d'évaluer les différents postes de préjudice
- d'appécier la fraction de ces préjudices imputable à la perte de chance
- de fixer la part de préjudice personnel sur laquelle le recours des tiers payeurs ne peut s'exercer.
Cass. Civ. I, 18 juillet 2000; 98-20.430; D.2000, I.R. p.219.

AGENCE DE VOYAGE


Le fait que l'agression d'un minibus de touristes par des hommes armés soit survenue dans un lieu où ce type d'incident est courant, et que le voyagiste n'ait pas informé ses clients du changement d'itinéraire intialement prévu, est susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992, nonobstant le caractère de voyage d'aventure où une large initiative était laissée aux participants. Il appartenait également au voyagiste de "déconseiller" ce trajet.
C.A. Paris, 8e ch, D, 8 juin 2000; D. 2000, Som. p.208, note.

OBLIGATION DE CONSEIL DU VENDEUR N'EXCLUT PAS CELLE DE L'INSTALLATEUR

L'obligation de mise en garde et de préconisation du vendeur n'exclut pas celle de l'installateur qui a le devoir d'adapter l'installation existante au matériel de chauffage livré, notamment en ce qui concerne le conduit de fumée.
Cass. Civ. I, 25 janvier 2000 , 98-12.702; D.2000, Som. p.284 - note C.Caron

GARDE DE LA CHOSE : VITRAGE

L'intervention d'une paroi vitrée fixe dans la réalisation d'un dommage corporel est suffisante pour démontrer que cette chose a été l'instrument du dommage, sans que la victime ait à établir un caractère anormal ou un vice ou un défaut d'entretien.
Cass. Civ. II, 15 juin 2000, 98-20.510; D.2000, I.R., p.199.

RESPONSABILITE DE L'HOTELIER TROP PREVOYANT : A 1953 CC.

La Cour de Cassation considère que le fait qu'un hôtelier mette à la disposition de ses clients des dispositifs de protection contre le vol de leur véhicule, établit qu'il s'est engagé à assurer la sécurité des véhicules en stationnement.
Cass. Civ. I, 6 juillet 2000, 98-10.051; D. 2000, I.R. p.216 - Bulletin d'actualités Lamy Assurances Août-septembre 2000, p.8

MORALITE : ne jamais être trop prévoyant !

UN PARAPENTE BIPLACE EST UN AERONEF : PRESCRIPTION DE DEUX ANS

Ayant souverainement estimé qu'un baptème de l'air était une promenade aérienne et non une inititation à une pratique sportive, la prescription pour agir contre le "transporteur aérien" est celle de deux ans de la Convention de Varsovie.
Cass. Civ. I, 19 octobre 1999, 97-14.759; D. 2000, Cahier Affaires, Som. Commentés, p.299.

PRESCRIPTION BIENNALE INTERROMPUE PAR FRAUDE DE L'ASSUREUR

Rappel d'une solution classique :

Les manoeuvres dilatoires d'un assureur, constitutives de fraude, et souverainement appréciées par les juges du fond, interrompent la prescription biennale de l'article L 114-1 du Code des Assurances.
Cass. Civ. I, 10 mai 2000, 97-20.844; Bulletin d'actualités Lamy Assurances, Juillet 2000, p.1., note F.Vincent.

FAUTE INTENTIONNELLE

La faute intentionnelle de l'article L 113-1 du Code des Assurances relève de l'interprétation souveraine des juges du fond et échappe (désormais) au contrôle de la Cour de Cassation.
Cass. Civ. I, 4 juillet 2000; D.2000, 98-10.744; I.R. p.210 (note) - Bulletin d'actualités Lamy Assurances Août-septembre 2000, p.3

CLAUSE DE DIRECTION DE PROCES - REFERE - EXCEPTION DE GARANTIE

L'article L 113-17 (présomption de renonciation aux exceptions de garantie) est applicable à l'assureur qui prend la direction du procès diligenté contre son assuré, sans réserves, tant dans le cadre d'une procédure de référé, qu'au fond.

(L'assureur qui prend la direction du procés en référé-expertise d'un Entrepreneur non garanti pour R.C. contractuelle)
Cass. Civ. I, 10 mai 2000, 97-22.495; D.2000, I.R. p.210 -Bulletin d'actualités Lamy Assurances Août-septembre 2000, p.7

Sur l'ensemble de la question voir :

Article de Stéphane CORONE, : "Les risques pris par l'assureur lorsqu'il dirige le procès" Argus du 1er septembre 2000, p.60.

Remarques :

En raison de son imprécision, l'article L 113-17 est un véritable piège pour les assureurs. Parfois averti par son assuré quelques heures avant une audience de référé, il est difficile à un assureur de prendre parti immédiatement sur sa garantie en l'absence d'éléments. De plus, des réserves générales sur sa garantie sont inefficaces. Enfin, l'assureur peut être obligé de prendre la défense de son assuré sur le fondement de garanties spécifiques (défense et recours...) qui se superposent à la clause de direction de procès...

CONCURRENCE DELOYALE D'UN AGENT D'ASSURANCE :
APPLICATION DU DROIT COMMUN DE LA R.C. QUASI-DELICTUELLE


Des ruptures de contrat ayant été effectués sur des imprimés identiques, des attestations de clients établissant qu'il leur avait été conseillé de changer d'assureur, constituent des agissements fautifs susceptibles d'engager la responsabilité civile délictuelle, "peu important que l'auteur de ces actes fautifs n'ait pas été leur bénéficiaire".
Cass. Com., 21 mars 2000, D.2000, Cahier de Droit des Affaires, p.625, note Yves Serra.

FAUSSE DECLARATION ET SEROPOSITIVITE : EXPERTISE MEDICALE

L'assureur est en droit de requérir un mesure d'expertise judiciaire pour établir la preuve d'une fausse déclaration en matière de séropositivité, s'il suspecte légitimement une réticence de son assuré.
C.A. Paris, 7e Ch. A, 20 juin 2000; D.2000, I.R. p.221.

CIRCULATION


L'ELEVE D'UNE AUTO-ECOLE N'EST PAS CONDUCTEUR

Dans la mesure où il ne fait que conduire sous le contrôle d'un moniteur d'auto-école, seul titulaire du permis de conduire, et qui surveille les faits et gestes de son élève, celui-ci ne peut être considéré comme conducteur.
Cass. Civ. II, 29 juin 2000; 98-18.847; D. 2000, I.R. p.226

INDEMNISATION DU CONDUCTEUR FAUTIF


Un conducteur transporte son père dans la voiture de ce dernier.

Ce passager est blessé à l'occasion d'une faute de conduite.

La Cour de Cassation estime que :

la victime gardienne d'un véhicule terrestre à moteur, mais passagère au moment de l'accident, est en droit de demander au conducteur et à l'assureur garantissant sa responsabilité civile du fait de ce véhicule la réparation de l'intégralité de ses préjudices, sans que puisse y faire obstacle la faute du conducteur.
Cass. Civ. I, 29 février 2000; Dossier juridique et technique de l'Argus, 29 septembre 2000, p.I; note G.Defrance.

Par ailleurs, dans ces mêmes circonstances, et alors que le père passager du conducteur fautif est blessé, elle estime que :

le conducteur peut obtenir réparation du préjudice par ricochet qu'il a subi du fait du décès de son père dans la mesure où l'exclusion de garantie prévue par le contrat d'assurance ne pouvait concerner que le préjudice subi par le conducteur lui-même à titre direct et personnel, mais sans atteindre la réparation du préjudice subi par ricochet dont la protection est assurée par les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985.
Cass. Civ. II, 13 juillet 2000, Dossier juridique et technique de l'Argus, 29 septembre 2000, p.IV.


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