| Jean-François CARLOT - Docteur en Droit - Avocat Honoraire |
"
|
|
Buts dans l'intérêt de l'humanité
Liberté d'exploration et d'utilisation de l'espace
Maintien de la paix et de la solidarité internationale
Principe de coopération et d'assistance
Responsabilité internationale des Etats et des organisations gouvernementales
Immatriculation des engins spatiaux
Droits de propriété des objets spatiaux
Devoir de vigilance et de prévention des Etats
Publicité des opérations spatiales
Les responsabilités découlant des risques spatiaux découlent des conventions internationales qui, depuis 1967, ont institué un Droit supra-national de l'Espace.
Autrefois directement exercées par certains Etats, puis par des Organisations gouvernementales, les activités spatiales, sont soumis aux principes de privatisation et de mondialisation qui font intervenir des opérateurs privés.
Compte tenu de sa spécificité, l'exploration de l'Espace a donné lieu à l'élaboration par les Nations Unies de principes nouveaux, qui pourraient être appliqués à d'autres domaines de l'activité humaine, toutes les fois où celle-ci s'aventure dans les domaines inconnus que lui ouvre la technologie, tels que les sciences du vivant.
Le droit des activités spatiales est donc de nature à influencer une réflexion sur le traitement des risques auxquels le progrès technologique expose l'humanité et à trouver des solutions juridiques nouvelles en matière de réparation des dommages qui peuvent en résulter.
En posant les principes de non-appropriation des corps célestes, de coopération dans l'intérêt de l'humanité, d'aide et assistance des astronautes en difficulté, et de garantie des états de lancement du fait des activités spatiales pratiquées depuis leurs territoires, le Droit Spatial constitue un formidable laboratoire d'idées pour régler les problèmes concrets de nos sociétés modernes.
Depuis la remise en cause du droit de propriété, replacé par celui de "services" et du caractère absolu des principes de la propriété intéllectuelle au nom de l'intérêt de l'humanité, jusqu'à la prise en charge par les Etats des conséquences néfastes des activités dans l'Espace.
Enfin, l'aléa des techniques de construction et d'exploitation commerciales de l'Espace reposent sur des techniques contractuelles de pur droit privé, fondées, notamment, sur les renonciations à recours réciproques et les pactes de garantie.
C'est pourquoi, de plus en plus d'Instituts et d'Universités s'intéressent à la dimension juridique des exploitations de l'Espace.
Enfin, le cyber-espace de l'Intelligence Artificielle ne devrait-il pas s'ouvrir que dans l'intérêt commun de l'Humanité, et ne devrait-il pas mettre en pratique les principes de liberté d'exploration et d'utilisation, de non-appropriation, de coopération et d'assistance du Droit International de l'Espace, dans le but de l'amélioration de la condition humaine ?
Mais ses risques ne nécessitent-il-pas également des mesures de prévention, une vigilance et un contrôle de nature à engager la responsabilité des Etats, lesquelles ne peuvent être mises en oeuvre qu'avec l'obligation d'immatriculation d'une IA afin de permettre la traçabilité nécessaire pour prévenir les effets indésirables liés à son autonomie ? On doit pouvoir arrêter une IA...
La notion de "Patrimoine commun de l'Humanité" est d'abord une notion "éthique".
Elle traverse l’histoire pour apparaître dans la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et se développer dans le Droit positif international du XXe siècle.
Les capacités technologiques de la deuxième partie du XXe siècle permettent, en effet, de repousser les frontières du monde fini vers l’immensité de l’espace et la découverte de ressources insoupçonnées.
Elles s'accompagnent de la prise de conscience de l’épuisement et de la dégradation des ressources terrestres face à l'augmentation démographiques et aux revendications des pays en voie de développement.
Entre liberté et contraintes, le droit international choisit une troisième voie, celle d'assimiler l'espace à un patrimoine commun mis au service de l'humanité, notamment grâce à la mise en œuvre de valeurs de solidarité et de collaboration entre les peuples.
Cette notion apparut dès le XIXe siècle sous la plume d’Andréas Bello, juriste latino-américain, formulant le principe de non-appropriation des ressources des océans et utilisant pour la première fois l’expression « patrimoine indivisible » .
Quelque années plus tard, le juriste français Albert Geouffre de Lapradelle écrivait que "la mer est susceptible de former la propriété d’une personne morale qui serait la société internationale des Etats"». Pour lui, la mer territoriale est, comme la haute mer, le "patrimoine de l’humanité".
Le 29 avril 1958, le Président de la Première Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer mentionna dans son discours d’ouverture la notion de "patrimoine commun de l’humanité", en désignant les ressources des grands fonds marins.
En 1966, le Président américain Jonhson demanda que le fond des mers et des océans soit et demeure le patrimoine commun de l’humanité.
Cette consécration de la notion de patrimoine commun de l’humanité a eu lieu sous l'égide des Nations Unies, et s’est réalisée de façon croisée en droit de la mer et en droit de l’Espace, devant l’évolution sociale, scientifique ou économique.
Ces notions pourront finalement être reconnues comme règles de droit ayant un caractère obligatoire, lorsque un certain degré de consensus social est atteint.
Le 18 août 1967, le représentant de Malte à l'ONU, saisit l'Assemblée Générale de la question intitulée : "Examen de la question de l'affectation à des fins exclusivement pacifiques du lit des mers ainsi que de leur sous sol, au-delà des limites de la juridiction nationale actuelle et de l'exploitation de leurs ressources dans l'intérêt de l'humanité".
Pour lui, "le lit des mers et des océans constitue la patrimoine commun de l’humanité et devrait être utilisé à des fins pacifiques et dans l’intérêt de l’humanité toute entière. Les besoins des plus pauvres, représentant la partie de l’humanité qu’il est le plus nécessaire d’aider, devraient être étudiés par priorité dans le cas où des avantages financiers seront tirés de l’exploitation du lit des mers et des océans à des fins commerciales".
Ainsi fut adoptée la consécration juridique de cette notion par la Résolution 2749 (XXV) du 17 décembre 1970 qui contient la "Déclaration des principes régissant le fonds des mers et des océans ainsi que leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale".
Le 30 avril 1982, après d’âpres négociations , la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer adopta le texte final de la Convention sur le droit de la mer le 30 avril 1982. Le 10 décembre 1982, 119 délégations signèrent le texte de la Convention à Montego Bay, en Jamaïque, et la Convention entra en vigueur le 16 novembre 1994.
La Partie XI et les annexes III et IV de cette convention fait expressément référence à la notion de "patrimoine commun de l’humanité" : L’article 136 stipulant que "la Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l’humanité".
C'est ainsi que "s'inspirant des vastes perspectives qui s'offrent à l'humanité du fait de la découverte de l'espace extra-atmosphérique par l'homme", a été ouvert à la signature 27 janvier 1967, le traité sur les principes régissant les activités des Etats en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, dit "Traité de l'Espace", lequel est entré en vigueur le 10 octobre 1967, consacrant ainsi les activités spatiales comme l'apanage de l'Humanité.
Dès le premier "alunissage" d’un engin spatial, le 12 septembre 1959, et surtout depuis « [le] petit pas pour l’homme et [le] grand pas pour l’humanité » de Neil Amstrong du 20 juillet 1969, s'est posée le problème de l’utilisation des ressources naturelles des corps célestes.
C’est pourquoi, dès 1970, les premières propositions invitant à établir un régime particulier pour la Lune et les corps célestes ont été formulées par des gouvernements et, en particulier, par le gouvernement argentin, sur le principe du "patrimoine de l'Humanité", selon lequel les avantages tirés de cette utilisation doivent revenir à tous les peuples sans discrimination.
Il convenait ainsi d’éviter le vide juridique que laisserait le seul principe de non-appropriation.
Ainsi, la notion de "patrimoine commun de l’humanité", n’est pas philosophique mais essentiellement juridique.
Au terme de longues négociations , un projet d’accord régissant les activités des Etats sur la Lune et les autres corps célestes fut adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies à travers la Résolution 34/68 du 5 décembre 1979. L’Accord sur la Lune, adopté par consensus et qui forme l’annexe de cette résolution, fut ouvert à la signature à New York le 18 décembre 1979, et est entré en vigueur la 11 juillet 1984.
Son principe général est contenu à l’article 11, § 1, qui proclame que "la Lune et ses ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l’humanité".
Apparue dans les champs du Droit de la Mer et de celui de l'espace, la notion de "patrimoine commun de l'humanité" peut s'appliquer dans les domaines encore inexplorés de la recherche scientifique, laquelle doit être "au service de l'Humanité" et des nouvelles technologies, notamment en ce qui concerne le domaine de l'intelligence Artificielle en plein développement.
Les principes institués par le Droit de l'Espace peuvent être transposés dans la recherche médicale ou l'espace "numérique"...
La question se pose ainsi de la brevetabilité des vaccins contre la COVID 19, qui ont permis de sauver l'humanité de la pandémie.
Est-il possible de s'approprier une découverte majeure concernant la santé humaine, telle que le cancer ?
Mais n'est-ce pas la perspective de s'approprier les droits de propriété industrielle sur une telle découverte qui va motiver les industriels et les investisseurs à les entreprendre ?
Ouvert à la signature le 27 janvier 1967 et entré en vigueur le 10 octobre 1967.
Ce traité constitue une base juridique générale pour les utilisations pacifiques de l’espace et constitue un cadre pour le développement du droit de l’espace.
Signé par plus d'une centaine d'Etats, il interdit l'aménagement de bases ou d'installations militaires sur les corps célestes et la mise en orbite autour de le Terre d'armes de destruction massive (dont les armes nucléaires). Il laisse toutefois la possibilité du transit des armes à travers l'espace et des reconnaissances par satellites artificiels.
Entré en vigueur le 3 décembre 1968, prévoit, en cas de nécessité, la coopération internationale pour le sauvetage et le rapatriement d'astronautes en détresse. Il a été ratifié par 85 états.
Entrée en vigueur le 1er septembre 1972:
Cette convention établit un régime de responsabilité pour risque en cas de dommages causés à un aéronef en vol ou à tout bien situé à la surface de la Terre, ratifiées par 80 Etats.
Entré en vigueur le 11 juillet 1984.
Cet accord a été conçu pour assurer sur une base équitable une exploitation ordonnée et sans risque des ressources naturelles de la Lune. Il n’a toutefois pas été ratifié que par neuf Etats. Les Etats- Unis et la Russie ne le signeront, car il stipule que la Lune et les autres corps célestes font partie du "patrimoine commun de l’humanité", le principe sur lequel est fondé le droit de la mer. Cette notion est assez vague, mais certains Etats s’opposent énergiquement à toute tentative de préciser ses implications.
les Etats sont tenus d’immatriculer chaque objet spatial qu’ils lancent, en précisant ses principaux paramètres et sa fonction générale. Cette convention a été ratifiée par 40 Etats, entraînant le signalement d'environ 4 900 objets, dont des débris spatiaux et des satellites hors d’usage. Cette Convention est peu efficace car elle n’a pas été ratifiée par la totalité des Etats qui opèrent dans l’espace, et ceux qui l’ont fait ne déclarent pas tous les objets qu’ils lancent
.Ont également émergé des réglementations techniques, telles celles de l'UIT sur les fréquences, les positions en orbite, et surtout des accords bilatéraux ou multilatéraux entre gouvernements ou entre agences nationales, avec les Organisations internationales conduisant de nombreuses activités spatiales mais qui sont encore ignorées dans le droit de l'espace sensu stricto (comme ESA, Eutelsat, Eumetsat, Arabsat, Intelsat, etc.).
En novembre 2015, une loi américaine baptisée SPACE Act rompt unilatéralement le traité de l’espace et autorise les entreprises des États-Unis à s’emparer des ressources de l’espace.