La clause de non-garantie des vices cachés n'est opposable qu'au professionnel de même spécialité
Il résulte de l'article 1643 du Code civil que la clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés est opposable à un acheteur professionnel de même spécialité que celui qui lui vend la chose.
Pour écarter une clause de non-garantie des vices cachés, l'arrêt énonce, d'abord, qu'en cas de vente entre parties de même spécialité, la garantie du vendeur ne peut être invoquée lorsqu'une clause de non-garantie des vices cachés est insérée à l'acte sauf si le vice était indécelable ou lorsque l'acheteur ne disposait pas des compétences techniques nécessaires pour déceler les vices affectant la chose vendue.
Il retient, ensuite, d'une part, qu'une société qui exerce une activité de vendeur professionnel d'immeubles, revendique expressément un professionnalisme particulier de recherche de l'amiante dans les biens qu'elle vend dans ses rapports publics d'activité, d'autre part, que la SCPI, qui intervient dans le cadre d'acquisition et gestion d'un parc immobilier locatif, nonobstant sa qualité de professionnelle, n'a aucune compétence en matière d'amiante et avait d'ailleurs sollicité auprès du vendeur des renseignements à ce sujet.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'acquéreur était un professionnel de même spécialité que le vendeur, ce qui suffisait à lui rendre opposable la clause de non-garantie des vices cachés, sauf à rapporter la preuve que le vendeur avait une connaissance effective du vice relevant de la mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Civ. 3e, 23 octobre 2025, 23-18.469
Point de départ de la prescription à la date d'une décision irrévocable
Il résulte de l'article 2224 du code civil que le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.
Il s'en déduit que, lorsque l'action principale en responsabilité tend à l'indemnisation du préjudice subi par le demandeur, né de la reconnaissance d'un droit contesté au profit d'un tiers, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant ce droit met l'intéressé en mesure d'exercer l'action en réparation du préjudice qui en résulte, de sorte que cette décision constitue le point de départ de la prescription (Mixte, 19 juillet 2024, 20-23.527, publié au Bulletin).
Le point de départ de cette prescription est le jour où la décision juridictionnelle établissant un droit contesté au profit d'un tiers devient irrévocable.
Pour déclarer irrecevable comme prescrite une action engagée contre l'association, on ne peut retenir que le point de départ du délai de prescription se situe la date à laquelle la cour d'appel a statué sur une demande en reconnaissance d'un bail rural, par une décision qui était définitive puisque non susceptible d'une voie de recours ordinaire, et non à date à laquelle la Cour de cassation a rejeté son pourvoi contre cet arrêt.
En effet, le délai de prescription n'avait pu commencer à courir qu'à compter de l'arrêt de la Cour de cassation rendant l'arrêt d'appel irrévocable.
Civ. 3e, 6 novembre 2025, 24-16.853, publié au bulletin
Indemnisation de la perte de chance : Décisions de principe 
Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Selon l'article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé.
Il résulte de l'actuel article 1231-1 du code civil que caractérise une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant.
Il résulte de l'article 4 du code civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.
Il s'en déduit que :
- le juge peut, sans méconnaître l'objet du litige, rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ;
- le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
- Il incombe alors au juge d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance.
Pour rejeter la demande indemnitaire d'une société, un arrêt relève que le préjudice qui résulte du manquement d'un avocat se limite à la perte de chance de ne pas avoir eu la possibilité de faire un choix éclairé sur la levée ou non d'une clause de non-concurrence, alors que sa cliente ne demandait pas la réparation d'un tel préjudice.
De même pour rejeter la demande de réparation du préjudice financier et de la perte d'exploitation d'un acquéreur, un arrêt retient que ce préjudice s'analyse en une perte de chance, le manquement d'un notaire l'ayant privé de la possibilité de renoncer à l'acquisition du lot immobilier ou d'acquérir celui-ci à des conditions différentes, mais qu'aucune demande n'a été formée sur ce fondement juridique...
En statuant ainsi dans ces deux hypothèses, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice dont elle a constaté l'existence, a violé les textes susvisés.
Ass. Plén., 27 juin 2025, 22-21.812 (RC avocat) et 22-21.146 (RC notaire), publiés au Bulletin et au Rapport ; LEDA sept. 2025, n° DAS202s4, note M. Eliphe.
Rôle du juge en matière d'obligation in solidum
Aux termes des articles 1310 et suivants du Code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle et ne ne se présume pas.
La solidarité entre les débiteurs oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux les libère tous envers le créancier.
Le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les autres.
En l'absence de texte ou de contrat, la jurisprudence en a dégagé le principe de l’obligation in solidum qui résulte d’une condamnation judiciaire de plusieurs personnes ayant contribué, chacune pour part, à la réalisation d'un même dommage.
Ainsi, un assureur de responsabilité peut-il être tenu, "in solidum" avec son assuré, à indemniser un tiers victime.
L'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.
Aussi, ayant condamné in solidum les responsables d'un préjudice, il appartient au juge sur le recours en garantie dont il est saisi, de déterminer la contribution de chacun à la réparation du dommage.
Civ. 2e, 19 juin 2025, nos 23-11.026 et 23-14.543 ; LEDA oct. 2025, n° DAS202u3, note P. Casson - Civ. 3e, 13 juin 1990, 88-18.095, publié au Bulletin - Civ. 3e, 28 mai 2008, 06-20.403, publié au bulletin
Responsabilité du garagiste et préjudice réparable
Un véhicule confié à un garagiste entre le 28 mai 2014 et le 29 août 2014, à la suite de divers dysfonctionnements répétés et persistants en dépit des réparations effectuées, a subi une nouvelle panne en décembre 2014.
En novembre 2018, après avoir obtenu une expertise en référé, le client a assigné le garagiste en responsabilité et indemnisation de ses préjudices.
La cour d'appel a retenu à juste titre la responsabilité du garagiste du fait de ses manquements lors d'une réparation en juillet 2014 qui avait entraîné l'avarie du moteur à l'origine de l'immobilisation du véhicule.
Elle a pu condamner le garagiste à indemniser son client de la somme totale de 1 124,52 euros au titre des cotisations d'assurance dues pendant la période où ce dernier n'avait pas eu la jouissance de son véhicule, ainsi que de celle de 250 euros au titre des frais d'expertise amiable.
Toutefois, c'est à tort que le garagiste a été condamné à payer à son client une somme de 17.988,87 € au titre des frais de réparation du véhicule, alors que cette somme était bien supérieure à sa valeur estimée par expert à 5.952 €.
En effet, il résulte de l'actuel article 1231-1 du Code civil, et du principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que le droit au remboursement des frais de remise en état d'une chose endommagée a pour limite sa valeur de remplacement.
Com., 5 novembre 2025, 24-10.057 ; LEDA déc. 2025, n° DAS202w7,note P. Rousselot ; Civ. 1ère, 15 octobre 2025, 24-15.901 ; LEDA déc. 2025, n° DAS202w8,note A. Astegiano-La Rizza .
Rappels :
Sur la responsabilité du garagiste réparateur :
La responsabilité contractuelle du garagiste, applicable à tout réparateur d'installation industrielle, a longtemps été fondée la violation d'une obligation de résultat, en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients.
Celle-ci emportait à la fois présomption de faute et de causalité entre la faute et le dommage, un garagiste ne pouvant s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve qu'il n'avait commis aucune faute (Civ.1ère, 2 février 1994, 91-18.764 , publié au Bulletin- En cas de multiples réparations n'ayant pas remédié aux désordres : Civ. 1ère, 8 décembre 1998 , 94-11.848, publié au Bulletin ; Civ. 1ère., 29 mai 2019, 18-12.459).
Ainsi, le sous-traitant garagiste réparateur est contractuellement tenu, envers l'entrepreneur principal, d'une obligation de résultat qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (Civ. 1ère, 21 octobre 1997; 95-16.717, publié au Bulletin).
La responsabilité du garagiste ne s'étendait qu'aux dommages causés par le manquement à cette obligation et qu'il appartenait à celui qui l'assigne le garagiste en responsabilité de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont reliés à celle-ci" (Civ. 1ère, 28 mars 2008, 06-18.350, publié au bulletin - Civ. 1ère, 31 octobre 2012, 11-24.324, publié au Bulletin - Civ. 1ère, 14 février 2018, 17-11.199).
«La responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s’étend qu’aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat dont il peut s’exonérer en prouvant l’absence de faute » (Civ. 1ère, 17 février 2016, n°15-14.012).
Elle a ensuite clarifié le régime de responsabilité du garagiste en précisant que si sa responsabilité au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, " dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées " (Civ. 1ère, 11 mai 2022, 20-18.867, publié au Bulletin - Civ. 1ère, 11 mai 2022, 20-19.732, publié au bulletin - Civ. 1ère, 16 octobre 2024, 23-11.712 23-23.249, publié au bulletin).
D'une part, " la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées est engagée en cas de faute, d'autre part, caractérise une faute l'exécution par le garagiste d'une réparation non conforme aux règles de l'art, même à la demande de son client " (Civ. 1ère, 25 juin 2025, 24-10.875, publié au bulletin).
Il incombe, le cas échéant, au garagiste d'apporter la preuve que son intervention a été limitée à la demande de son client et qu'il l'a averti du caractère incomplet de cette intervention et de ses conséquences (Civ. 1ère, 25 juin 2025 23-22.515, publié au Bulletin).
Sur le principe de réparation intégrale :
Il est de principe que la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit, sans considération de la gravité de la faute ou des situations de fortune respectives de la victime et du responsable.
Si le coût des réparations peut être supérieur à la valeur vénale du véhicule, l'indemnisation ne peut dépasser sa valeur de remplacement : (Civ. 2e, 17 mars 1977, 75-12.837, publié au Bulletin - Civ. 2e , 9 juillet 1981, 80-12.142 , publié au Bulletin - Crim., 22 septembre 2009, 08-88.181, publié au Bulletin).
Ni la vétusté ni la notion d'enrichissement n'ont à entrer en ligne de compte dans la mesure où " cela ne replacerait pas la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, puisqu'elle supporterait alors injustement une dépense supplémentaire rendue nécessaire par la faute du tiers " : (En ce qui concerne la valeur de bâtiments sinistrés : Civ. 2e, 16 décembre 1970, 69-12.617, publié au Bulletin ; Mixte, 25 avril 1975, 72-14.801, publié au Bulletin - Ass. Plén. 7 février 1986, 84-15.189, publié au Bulletin - Civ. 3e, 6 mai 1998, 96-13.001, publié au bulletin).
La jurisprudence définit la valeur de remplacement comme « le prix de revient total d'un véhicule d'occasion de même type et dans un état semblable », lequel est estimé à dire d'expert (VRADE) (Civ. 2e, 12 février 1975, 73-13.263, publié au Bulletin).
Civ. 1ère, 15 octobre 2025, 24-15.901
Obligation de délivrance conforme du constructeur de véhicules diesel
Il résulte des articles 1603 et 1604 du code civil, et des articles 2224 du même code et L. 110-4 du code de commerce, que l'action fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrer un bien conforme se prescrit par cinq ans à compter du jour où l'acquéreur a connu ou aurait dû connaître le défaut de conformité allégué.
Viole l'article 1604 du code civil et les articles 3, point 10, et 5, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules, par refus d'application, une cour d'appel qui retient que la preuve d'un défaut de conformité d'un véhicule automobile n'est pas rapportée, alors que l'implantation d'un logiciel destiné à tromper les mesures d'émission d'oxydes d'azote prévues par ce règlement est prohibée et constitue un défaut de conformité au sens de la directive 1999/44, et qu'elle avait constaté que le véhicule en cause était équipé d'un tel logiciel.
Il résulte des articles 1604 et 1184 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, interprétés à la lumière des articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement, que caractérise un manquement grave du vendeur à son obligation de délivrance conforme, justifiant la résolution du contrat, le fait de livrer à un acquéreur un véhicule à moteur équipé d'un dispositif d'invalidation dont l'utilisation est interdite en vertu de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007
Civ. 1ère, 24 septembre 2025, 23-23.869, publié au Bulletin
Obligation de délivrance conforme du vendeur d'immeuble
Il résulte de l'article 1604 du code civil qu'en vertu de son obligation de délivrance, le le vendeur doit délivrer une chose conforme à la convention des parties et, sauf stipulation contraire, à la réglementation en vigueur.
Dès lors, une cour d'appel ne peut rejeter les demandes des acquéreurs :
- en retenant, d'abord, que, s'il est constant que les transformations subies par le bien depuis sa construction n'ont pas été régularisées par l'obtention d'un permis de construire, il n'incombait pas au vendeur au titre de l'obligation de délivrance conforme de délivrer un bien disposant d'un permis de construire pour des travaux réalisés avant son acquisition, l'acte de vente ne faisant aucune mention de ce que les transformations subies par le bien auraient été autorisées par un permis de construire ;
- En relevant, ensuite, que l'absence de livraison d'un bien disposant de toutes les autorisations d'urbanisme et conforme à la réglementation en vigueur ne relève pas d'un défaut de délivrance conforme mais de la garantie des vices cachés, dès lors qu'aucune stipulation de l'acte de vente ne mentionne la délivrance d'un permis de construire en bonne et due forme pour les transformations opérées sur l'immeuble ni la conformité du bien aux normes d'accessibilité et aux normes thermiques, les appelants n'établissant pas en outre un risque d'avoir à remettre le bien en son état antérieur,
alors que de tels motifs sont impropres à exclure le manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance conforme.
Note :
On rappellera que selon l'article 1603 du Code civil, le vendeur a deux obligations principales : celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur (CC, art. 1604), tandis que la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires (CC, art. 1625).
En matière immobilière, il doit y avoir concordance entre les caractéristiques de l'immeuble vendu et celles définies par le contrat de vente, ce qui s'apprécie par rapport aux stipulations contractuelles. Ainsi, il y a manquement à l'obligation de délivrance lorsqu'un immeuble est vendu avec une clause stipulant qu'il était raccordé au réseau public d'assainissement alors qu'il est ultérieurement constaté que le raccordement n'était pas conforme aux stipulations contractuelles (Civ. 3e, 28 janvier 2015, 13-19.945 - 13-27.050, publié au Bulletin).
Les vices cachés, se définissent, quant à eux, comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination normale, et ne donnent pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle, mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du Code civil (Civ. 1ère, 5 mai 1993, 90-18.331, publié au Bulletin).
Ainsi, lorsqu'une parcelle que l'acquéreur destinait à la construction de parkings, commerces et bureaux s'est trouvée inconstructible pendant six mois en raison de la présence d'hydrocarbures, il ne s'agit pas d'une violation de délivrance dans la mesure où aucune clause de pollution n'avait pas été insérée dans l'acte de vente, mais d'un vice caché (Civ. 3e, 30 septembre 2021, 20-15.354, 20-16.156, publié au Bulletin).
Il en est de même en cas d'infestation parasitaire (Civ. 3e, 18 janvier 2023, 21-22.543, publié au Bulletin).
Il n'y a donc pas d'option possible pour l'acquéreur entre la garantie légale de vices cachés, soumise au délai de deux ans de l'article 1646 du Code civil, et l'action en délivrance conforme soumise à la prescription de droit commun de cinq ans des articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce ...
(L’action en garantie des vices cachés n’est cependant pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol (Civ. 3e, 23 septembre 2020, 19-18.104, Publié au bulletin)).
Toutefois, le délai biennal est un délai de prescription, et non de forclusion (Mixte 21 juillet 2023, 21-15.809, 20-10.763, 21-17.789 et 21-19.936, publiés au Bulletin).
Il en résulte que ce délai de prescription peut être suspendu à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation dans les conditions prévues par l'article 2228 du code civil, ou lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, notamment sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (CC, art. 2239).
Il n'en reste pas moins, que la prescription doit être interrompue dans son délai, notamment par une demande en justice, même en référé (CC, art. 2241).
Dans la mesure où l'on considère qu'un défaut de la chose rendue puisse constituer à la fois un défaut de conformité et un vice caché, seule l'action en garantie des vices cachés est ouverte à l'acheteur qui doit se montrer diligent pour interrompre le délai de l'article 1646 du Code civil (Civ. 3e, 20 octobre 2010, 09-68.052).
Rappelons toutefois, que les délais de garantie décennale de l'article 1792 du Code civil, de garantie de bon fonctionnement de deux ans de l'article 1792-3 et de parfait achèvement d'un an de l'article 1792-6 sont des délais de forclusion et non de prescription, et ne sont donc susceptibles que d'interruption, et non de suspension.
En revanche, la responsabilité contractuelle applicable aux désordres intermédiaires est soumise à la prescription décennale de l'article 1792-4-3 du Code civil, à compter de la réception des travaux, tandis que celle encourue pour des désordres intervenus en cours de chantier est de 5 ans à compter à compter du jour où le maître d’ouvrage a connu les faits lui permettant d’exercer son action à l’encontre du constructeur.
A noter :
- que la prescription et la forclusion ne peuvent être interrompues qu'au bénéfice de celui qui a fait délivrer l'assignation en référé ou au fond ;
- que la forclusion n'est pas suspendue lorsque :
- les parties recourent à la médiation ou à une procédure participative (CC, art. 2238) ;
- lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès (CC, art. 2239).
Civ. 3e, 11 septembre 2025, 23-17.751
Le contrat d'assurance doit préciser les causes ordinaires d'interruption de prescription
Selon l'article R. 112-1 du code des assurances, l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code.
Pour déclarer opposables au syndicat des copropriétaires les clauses de la police d'assurance dommages-ouvrage relatives à la prescription biennale et déclarer prescrite son action engagée à l'encontre de l'assureur, un arrêt énonce, d'abord, que le représentant de la SCI a signé les conditions particulières du contrat dans lequel il reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales, lesquelles rappellent le délai de prescription biennale en matière de police d'assurance et divers textes du code des assurances, dont les articles L. 114-1 et L. 114-2.
L'arrêt retient que ces mentions sont suffisantes pour permettre à l'assuré de connaître les causes d'interruption du délai de prescription biennale, de sorte que la prescription biennale est opposable au syndicat des copropriétaires et que, un délai de plus de deux années s'étant écoulé entre le dernier acte interruptif et l'assignation au fond de l'assureur dommages-ouvrage l'action du syndicat des copropriétaires est prescrite.
En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat ne précisait pas les causes ordinaires d'interruption de la prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Il s'agit d'une solution constante :
Dans la mesure où les conditions générales du contrat d'assurance ne comportent aucune mention relative aux points de départ du délai de la prescription biennale ni aux causes d'interruption, y compris ordinaires, du délai de prescription, l'assureur ne satisfait pas à son obligation d'information, de sorte que la prescription est inopposable à l'assuré (Civ 2e, 28 mai 2025, 23-21.067).
Le fait que les conditions générales du contrat rappellent les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 114-3 relatifs à la prescription abrégée en matière d'assurance et les articles 2240 et suivants du code civil quant aux causes ordinaires de prescription est insuffisant pour établir que les causes ordinaires d'interruption de la prescription étaient énoncées de manière exhaustive dans le contrat d'assurance (Civ.2e, 30 mai 2024, n° 22-19.797.
Si en vertu de l'article R. 112-1 du code des assurances l'assureur doit rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de prescription mentionnées à l'article L. 114-2 et le point de départ de la prescription, il n'est pas tenu de préciser qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée (Civ. 2e, 9 févr. 2023, 21-19.498).
A noter également que l'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré et ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun (Civ. 3e, 21 mars 2019, 17-28.021).
Civ. 3e, 11 septembre 2025, 23-16.468
La mise en demeure de paiement des primes peut être adressée à l'aliénateur
Selon l'article L. 121-10 du code des assurances, en cas d'aliénation de la chose assurée, l'assurance continue de plein droit au profit de l'acquéreur, à charge pour celui-ci d'exécuter toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis-à-vis de l'assureur en vertu du contrat.
Il résulte de l'article L. 113-3 du même code qu'en cas de défaut de paiement de la prime, l'assureur peut suspendre la garantie puis résilier le contrat après avoir adressé à l'assuré une mise en demeure.
La Cour de cassation a jugé que le transfert de la chose assurée opère, en vertu de l'article L. 121-10 du code des assurances, la transmission active et passive à l'acquéreur du contrat d'assurance dès lors que ce contrat existe au jour de l'aliénation et que la mise en demeure qu'adresse l'assureur à l'ancien propriétaire, lequel demeure tenu du paiement des primes jusqu'au moment où il a informé l'assureur de l'aliénation, est sans conséquence sur l'obligation de garantie qui ne peut être suspendue que par une mise en demeure adressée personnellement à l'acquéreur (Civ. 1ère, 28 juin 1988, 86-11.005, publié au bulletin).
En premier lieu, cette solution, ainsi que la doctrine a pu le relever, fait obstacle à la faculté, prévue par la loi au profit de l'assureur, de suspendre la garantie et de résilier l'assurance pour non-paiement des primes dès lors qu'il ne peut adresser une mise en demeure à un acquéreur dont il ignore l'existence.
En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 121-10 du code des assurances qu'en cas d'aliénation de la chose assurée, celui qui aliène reste tenu vis-à-vis de l'assureur au paiement des primes échues et reste garant des primes à échoir tant qu'il n'en a pas informé l'assureur.
Or, selon l'article R. 113-1 du code des assurances, la mise en demeure prévue au deuxième alinéa de l'article L. 113-3 résulte de l'envoi d'une lettre recommandée, adressée à l'assuré, ou à la personne chargée du paiement des primes, à leur dernier domicile connu de l'assureur.
L'ensemble de ces considérations conduit la Cour de cassation à juger désormais, pour assurer l'effectivité de la faculté de résiliation ouverte à l'assureur, que, lorsqu'il n'a pas été informé de l'aliénation de la chose assurée, il peut, en cas de défaut de paiement de la prime, suspendre la garantie puis résilier le contrat, après avoir adressé à celui qui a aliéné la chose, ou à la personne chargée du paiement des primes, à leur dernier domicile connu de lui, la mise en demeure prévue au deuxième alinéa de l'article L. 113-3 du code des assurances.
En l'espèce, après avoir constaté qu'à compter du 24 juillet 2015, une société, qui était devenue l'unique propriétaire de l'immeuble assuré, n'avait averti l'assureur ni du changement de propriétaire du bien assuré ni de sa nouvelle adresse, puis retenu qu'il n'était pas établi que l'assureur avait eu connaissance du changement de propriétaire du bien assuré et de sa nouvelle adresse, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en adressant la mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la dernière adresse connue du syndicat des copropriétaires, l'assureur avait régulièrement résilié le contrat.
Civ. 2e, 6 novembre 2025, 23-13.984, publié au Bulletin ; P.-G. Marly : "Aliénation de la chose assurée et sanction de la prime impayée : la victoire du bon sens", LEDA déc. 2025, n° DAS202w4.
Appréciation des circonstances nouvelles à déclarer en cours de contrat d'assurance
Selon l'article L.113-2e, du Code des assurances, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge.
Selon l'article L.113-2, 3e, l'assuré est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus.
Selon l'article L.113-8, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
En cas de sinistre incendie, l'appréciation des circonstances nouvelles qui doivent être déclarées en cours de contrat par l'assuré ne dépendent ni de l'origine du sinistre dont la garantie est demandée, ni du rôle qu'elles ont joué dans son ampleur.
Dès lors, une cour d'appel ne pouvait débouter un assureur de sa demande de nullité du contrat d'assurance au motif que, si l'activité nouvelle exercée dans les locaux constituait une circonstance nouvelle qui n'avait pu être déclarée initialement, de sorte qu'elle aurait dû l'être par la suite, il n'est pas démontré par l'assureur que cette activité ait eu pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux dès lors qu'il reconnaît que la présence, dans les locaux, mais qui n'est pas certaine, de bouteilles de gaz, d'oxygène et d'acétylène, qui serait liée à l'exercice de cette nouvelle activité, ne serait pas à l'origine de l'incendie et qu'il ne serait pas démontré, sauf à dénaturer les termes du rapport d'expertise judiciaire, qu'elle serait à l'origine de sa propagation très rapide, et donc de l'ampleur du sinistre.
Civ. 2e, 18 septembre 2025, 23-21.201 ; LEDA nov. 2025, n° DAS202v0, note P.-G. Marly ; bjda.fr 2025, n° 101, note A. Astegiano-La Rizza
COVID : Garanties pertes d'exploitation "en inclusion" et fermeture administrative
Les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'assurée stipulent que l'assureur garantit les pertes pécuniaires subies du fait de « l'interruption ou de la réduction » de l'activité de l'assuré résultant « d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à [son] activité et aux locaux dans lesquels [il] l'exerce »
L'interdiction d'accès dans un restaurant, non définie par le contrat, doit se comprendre comme une défense absolue pour quiconque de pénétrer dans les locaux.
Sont donc garanties les pertes subies du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité de l'assuré résultant d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, sans que soit exigée une impossibilité totale et matérielle d'accéder aux locaux du restaurateur, lequel n'était d'ailleurs pas obligé de faire de la vente à emporter.
Civ. 2e, 28 mai 2025, 24-11.006 et 23-20.093, publiés au Bulletin ; bjda.fr 2025, n° 99, note L. Lefebvre et S. Bauhardt.
Les conditions générales d'une police d'assurance incluent dans la garantie " la perte d’exploitation due à la fermeture de l’établissement sur décision administrative dans les seuls cas suivants : assassinat ou suicide dans l’établissement ; maladies, infections contagieuses ; intoxications alimentaires ; présence d’animaux ou insectes nuisibles ; insuffisance sanitaire".
Une telle clause ne conditionne pas la garantie des pertes d’exploitation à l’existence d’un lien de causalité entre l’activité assurée et la survenance de la maladie ou de l’infection contagieuse motivant la fermeture administrative de l’établissement.
Dans la mesure où l’interdiction par arrêté de la location à titre touristique de chambres d’hôtels a été décidée par le préfet en raison du risque particulier de propagation du virus que présentait cette catégorie d’établissements, elle constitue une fermeture de l’établissement assuré sur décision administrative en cas de maladies ou d’infections contagieuses au sens du contrat.
Civ. 2e, 13 mars 2025, 23-20.289, publié au Bulletin ; RGDA mai 2025, n° RGA202h6, p.32, note Luc Mayaux ; bjda.fr 2025, n° 98, note L. Perdrix.
Secret médical et production en justice d'un rapport d'expertise amiable
Est-il possible de produire en justice un rapport d'expertise amiable malgré le refus de la victime et sur la possibilité pour un expert d'accéder à l'entier dossier médical de la victime malgré son refus d'accès à son entier dossier ?
Cette question de droit, qui est nouvelle et qui présente une difficulté sérieuse, est susceptible de se poser dans de nombreux litiges et a fait l'objet d'un avis de la 2e Chambre de la Cour de cassation : .
Sur la première question :
Le secret médical est institué dans l'intérêt des patients et il s'agit d'un droit propre au patient instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant (Soc., 15 juin 2022, 20-21.090, publié au Bulletin)
Cependant la Cour européenne des droits de l'homme juge que le droit au respect du secret médical n'est pas absolu, mais qu'il doit en être tenu compte au même titre que le droit de la requérante à une procédure contradictoire (CEDH, arrêt du 27 mars 2012, Eternit c. France, n° 20041/10). Elle admet la production d'un élément de preuve couvert par le secret médical lorsque cette preuve est indispensable au succès de la prétention de celui qui s'en prévaut et que l'atteinte portée aux droits antinomiques en présence est strictement proportionnée au but poursuivi (CEDH, arrêt du 10 octobre 2006, L.L. c. France, n° 7508/02).
Aussi, il y a lieu de considérer que l'assureur peut produire en justice le rapport d'expertise médicale amiable établi en application des articles R. 211-43 du code des assurances, en dépit du refus de la victime de consentir à cette production, à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de son droit à la preuve et que l'atteinte au secret médical soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Sur la seconde question :
Le juge civil ne peut, en l'absence de disposition législative spécifique l'y autorisant, ordonner une expertise judiciaire en impartissant à l'expert une mission qui porte atteinte au secret médical sans subordonner l'exécution de cette mission à l'autorisation préalable du patient concerné, sauf à tirer toutes conséquences du refus illégitime (Civ. 1ère, 15 juin 2004, 01-02.338, publié au Bulletin ; 11 juin 2009, 08-12.742, publié au Bulletin).
Il en découle que, lorsque la victime s'oppose à la communication de la totalité de son dossier médical, l'expert missionné dans les conditions des articles R. 211-43 et R. 211-44 du code des assurances ou l'expert judiciaire missionné par le tribunal n'est pas en droit d'en obtenir la production. Il appartiendra le cas échéant au juge d'apprécier si cette opposition de la victime tend à faire respecter un intérêt légitime et d'en tirer toutes conséquences quant à ses demandes.
Civ. 2e, avis, 3 juillet 2025, 25-70007 ; RGDA nov. 2025, n° RGA202n2, note A Pélissier ; bjda.fr 2025, n° 100, note A.-C. Pichereau et F. Barakat
Le juge est souverain pour l'aménagement d'une mesure d'instruction
Il résulte des articles 145 et suivants et 232 et suivants du code de procédure civile que ne modifie pas l'objet du litige le juge des référés qui, saisi sur le fondement du premier de ces textes, d'une demande de désignation d'un technicien en vue d'une mission de consultation, après avoir constaté le motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, commet un technicien avec une mission d'expertise au motif, souverainement apprécié, que, l'issue du litige requérant des investigations complexes, la mesure de consultation sollicitée ne serait pas suffisante.
Note :
Il est très fréquent que tout en faisant droit au principe d'une demande de mesure d'instruction le juge modifie le contenu de la mission sollicité, en reprenant les termes des propres modèles de missions qu'il ordonne habituellement pour un type de litige déterminé, tels qu'en construction ou matière médicale.
Un tel procédé a pour but d'assurer l'efficacité de la mesure d'instruction, laquelle est destinée à éclairer un juge, lorsque la mission d'expertise lui apparaît insuffisante ou imprécise, et le contenu de la mission ordonnée peut donc être différent de celui-ci sollicité par les demandeurs éventuellement en accord avec les défendeurs.
La Cour de cassation valide donc expressément une telle pratique du juge, la modification de la mission sollicitée ne modifiant pas les prétentions des parties...
Dans la mesure où des parties sont d'accord pour que la mission d'un expert judiciaire soit circonscrite à des points déterminés, et éviter ainsi des investigations inutiles et un enchérissement de leur coût, elles ont la possibilité de convenir d'une mesure d'instruction dans le cadre d'une mesure d'instruction simplifiée ou d'une procédure participative (C. Proc. Civ. art. 131).
L’article 131-8 nouveau du code de procédure civile prévoit que lorsque la convention est conclue entre avocats, le rapport remis aux parties a la même valeur que l’avis rendu dans le cadre d’une mesure judiciairement ordonnée.
Toutefois, s'il s'avère nécessaire de mettre ultérieurement en cause un tiers au cours des opérations d'expertise, celles-ci ne lui seront opposables que s'il donne son accord pour y participer puisque ce tiers n'est pas partie à la convention de désignation...
Civ. 3e, 27 novembre 2025, 23-20.727, publié au Bulletin
Une expertise non judiciaire peut rapporter la preuve d'un fait non discuté par les parties
Si le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur un rapport d'expertise non judiciaire, même contradictoire, établi à la demande d'une partie, il en va différemment si les constatations et conclusions expertales portent sur un fait établi et non discuté par les parties.
Dès lors qu'un tribunal a retenu que la modification du kilométrage opérée avant la vente, constatée par l'expertise, n'était pas contestée par les parties qui s'entendaient pour considérer que l'acheteur avait été trompée lors de l'achat du véhicule auprès du vendeur originaire, le tribunal a pu prononcer la résolution de la vente en se fondant sur le différentiel entre le kilométrage réel et le kilométrage figurant sur le certificat de cession et la non-conformité du véhicule.
Note :
On sait qu'en application de l’article 16 du code de procédure civile ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, même si cet expert est inscrit sur les listes judiciaires, peu important que les opérations d’expertise ait eu lieu en présence des parties (Civ. 3e, 30 avril 2025, 23-18.729 - Civ., 1ère, 9 juillet 2025, 23-19.668 - Civ. 2e, 25 mai 2022, 21-12.081).
On sait également que le juge ne peut refuser d’examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, mais il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve (Mixte, 28 septembre 2012, 11-18.710, publié au Bulletin – Civ. 2e, 30 novembre 2023, 21-25.640).
Toutefois, la reconnaissance d'un fait par une partie à l'occasion d'une expertise amiable, est suffisante pour rapporter la preuve de ce fait.
Civ. 1ère, 15 octobre 2025, 24-15.281, publié au Bulletin
La forclusion n'est pas interrompue par une reconnaissance de responsabilité
Il était jugé, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, que le délai de garantie décennale pouvait être interrompu par la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait (Civ. 3e, 4 décembre 1991, pourvoi n° 90-13.461, publié ; 3e Civ., 10 juillet 2002, pourvoi n° 01-02.243, publié).
Or, le délai de dix ans pour agir contre les constructeurs sur le fondement des articles 1792-4-1 à 1792-4-3 du code civil est un délai de forclusion.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée, le délai de forclusion n'étant pas, sauf dispositions contraires, régi par les dispositions concernant la prescription, il est désormais jugé que la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrivait n'interrompt pas le délai de forclusion décennale (Civ. 3e, 10 juin 2021, pourvoi n° 20-16.837, publié).
Les dispositions transitoires figurant à l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 régissent les dispositions de cette loi qui allongent ou réduisent la durée de la prescription et non celles qui instituent ou suppriment des causes d'interruption ou de suspension.
Il est jugé, par ailleurs, que l'article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, ne fait pas obstacle à l'application immédiate des lois nouvelles aux situations juridiques établies avant leur promulgation si elles n'ont pas encore été définitivement réalisées ( Mixte, 13 mars 1981, pourvoi n° 80-12.125, publié).
Il en résulte que, si la loi nouvelle n'est pas applicable aux causes d'interruption ou de suspension de la prescription ayant produit leurs effets avant la date de son entrée en vigueur, les causes d'interruption ou de suspension survenues après cette date sont régies par la loi nouvelle.
Il s'en déduit que la reconnaissance de responsabilité par le constructeur intervenue après la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 n'interrompt pas le délai de forclusion décennale, même si celui-ci avait commencé à courir avant cette date.
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Délai butoir de la prescription de droit commun
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Aux termes de l'article 2232 de ce code, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
La limitation du droit d'accès au juge qui en découle, qui a pour contrepartie le caractère « glissant » du point de départ du délai de prescription de l'action, ne restreint pas le droit d'accès au juge d'une manière ou à un point tels que ce droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elle répond à un but légitime de sécurité juridique et est proportionnée à ce but. Elle ne méconnaît donc pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le point de départ du délai prévu à l'article 2232 du code civil, à savoir 20 ans à compter de la naissance d'un droit, est distinct de celui prévu par l'article 2224 du même code qui court, s'agissant d'une action en responsabilité d'un expert-comptable pour manquement à ses obligations contractuelles envers son client, à compter du fait générateur du dommage.
Après avoir relevé qu'un client réclamait la réparation du préjudice causé par le défaut d'affiliation et de cotisation à la caisse de retraite des professions libérales imputable à son expert-comptable, l'arrêt retient exactement que, par application des dispositions de l'article 2232 précité, il n'est pas recevable à obtenir la réparation du préjudice causé par l'absence, chaque année, d'affiliation et de cotisation pour la période antérieure aux vingt années précédant l'assignation.
Com., 17 septembre 2025, 24-12.392
Assignation de l'entrepreneur interruptive de prescription à l'égard du fournisseur
Selon l'article 2241 du code civil, une demande en justice, même en référé, interrompt les délais de prescription et de forclusion.
L'assignation aux fins de voir rendre opposable à une partie le jugement rendu à l'encontre d'une autre a pour effet de permettre, d'une part, à la partie appelée en déclaration de jugement opposable de faire valoir des observations en défense, d'autre part, au demandeur à l'action d'invoquer directement à l'encontre de cette partie l'autorité de la chose jugée de la décision qui sera rendue.
Aussi, une telle assignation constitue-t-elle une demande en justice interruptive de prescription au sens du texte précité.
L'assignation délivrée par l'entrepreneur, tendant à voir déclarer opposable au fournisseur un jugement statuant sur des demandes dirigées contre le fabricant, interrompt donc le délai de prescription à l'égard de ce fournisseur.
Civ. 3e, 26 juin 2025, n° 23-20.274, publié au Bulletin ; RGDA sept. 2025, n° RGA202l2, p. 20, note Luc Mayaux ; LEDA sept. 2025, n° DAS202s8, note J. Mel
Compétence territoriale du Juge des Référés (expertise)
Selon l’article 145 du Code de procédure civile : S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il a été jugé qu’il résultait des articles 42, 46, 145 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent était le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées. (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-21.012, publié au Bulletin).
Le décret 2025-619 du 8 juillet 2025 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile, a consacré cette solution en complétant l’article 145 par les deux alinéas suivants applicables à compter du 1er Septembre 2025 :
« La juridiction territorialement compétente pour statuer sur une demande formée en application du premier alinéa est, au choix du demandeur, celle susceptible de connaître de l’affaire au fond ou, s’il y a lieu, celle dans le ressort de laquelle la mesure d’instruction doit être exécutée.
« Par dérogation au deuxième alinéa, lorsque la mesure d’instruction porte sur un immeuble, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble est seule compétente. »"
Cette solution laisse une option de compétence assez large au demandeur qui peut donc assigner au lieu du domicile de n’importe lequel des défendeurs, ou du lieu des investigations à mener, notamment en cas de sinistres sériels.
Ainsi, il reste possible de saisir le président d’un tribunal parisien dès lors que l’assureur de la responsabilité civile du responsable potentiel d’un sinistre est domicilié à Paris et est donc susceptible d’être mis en cause dans une procédure d’expertise pouvant donner lieu à une procédure au fond.
Ceci explique l’ « encombrement » de certaines juridictions qui, au surplus, ont la charge de veiller au contrôle d’opérations d’expertise pouvant s’exécuter en n’importe quel point.