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Jean-François CARLOT - Docteur en Droit - Avocat Honoraire

CONTENTIEUX du RISQUE, de la RESPONSABILITE et de l'ASSURANCE

Jurisprudence 2e Sem. 2024
VEILLE JURISPRUDENTIELLE du 1er Semestre 2025
Le clic sur renvoie à une décision précédemment publiée sur la même question


RESPONSABILITES

Etendue de la responsabilité du courtier d'assurance

Une police d'assurance responsabilité civile après livraison a été souscrite par une entreprise par l'intermédiaire d'un courtier.

Dans les conventions spéciales « responsabilité civile » figurait en gras un paragraphe intitulé « limites géographiques de la garantie », à l'intérieur duquel il était précisé, en gras également, que la garantie ne pourra s'exercer aux Etats-Unis ou au Canada, pour les produits dont l'assuré a la connaissance formelle qu'ils sont destinés à être distribués dans ces pays, qu'à condition que l'assuré ait déclaré à l'assureur le montant chiffré de ces exportations et que l'assureur ait notifié son accord de garantir, moyennant des conditions spécifiques, ce risque.

L'assureur a refusé de garantir la responsabilité civile de l'assuré pour des dommages causés par des produits livrés dans la zone géographique précisée.

L'assuré a donc recherché la responsabilité civile du courtier pour avoir commis un manquement dans son obligation de conseil, en ne rapportant pas la preuve d'avoir satisfait à son devoir de mise en garde quant à l'étendue de la garantie offerte par le contrat d'assurance projeté, en soutenant qu'il appartenait au courtier, tenu d'un devoir de conseil sur les caractéristiques des produits d'assurance qu'il propose et sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de ses clients, d'administrer la preuve qu'il s'est acquitté de ses obligations préalablement à la signature du contrat.

Toutefois, dans la mesure où il était établi que le courtier n'avait pas été informé par l'assurée qu'une partie de son activité pouvait être réalisée avec des clients dans la zone géographique exclue et, d'autre part, que la clause contractuelle limitant la garantie était suffisamment claire et apparente dans le contrat proposé par le courtier pour que l'assuré, en sa qualité de professionnel, ait pu en prendre pleine connaissance et en comprendre la portée avant d'accepter cette proposition, la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, retenir que le courtier justifiait ne pas avoir manqué à son devoir de conseil.

Responsabilité de l'expert judiciaire et perte de chance

1.

En application de l'article 2224 du code civil, lorsque l'action principale en responsabilité tend à l'indemnisation du préjudice subi par le demandeur, né de la reconnaissance d'un droit contesté au profit d'un tiers, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant ce droit met l'intéressé en mesure d'exercer l'action en réparation du préjudice qui en résulte

.

Il s'en déduit que cette décision constitue le point de départ de la prescription (Mixte, 19 juillet 2024, 20-23.527, publié au Bulletin)

En conséquence, le délai de l'action en responsabilité et indemnisation engagée contre un expert et des assureurs ne court qu'à compter de la date du rejet du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt devenu irrévocable.

2.

L'expert judiciaire engage sa responsabilité à raison des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile.

Dès lors qu'une juridiction saisie de l'action en garantie décennale a rejeté une demande en l'absence de preuve d'un dommage portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans le délai de dix ans et retenu que cette situation résultait pour partie du caractère hypothétique et imprécis des conclusions de l'expert, non étayées par des investigations sur la cause des désordres, cet expert commet une faute ayant fait perdre une chance d'obtenir gain de cause en justice, qui en l'espèce, a été souverainement évaluée à 40%.

Opposabilité de la résolution d'un contrat interdépendant

Selon l'article 1186, alinéas 2 et 3 du Code civil, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.

Aux termes de l'article 1224, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Selon l'article 1226, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification, le débiteur pouvant à tout moment saisir le juge pour contester la résolution.

Il en résulte que la résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d'un contrat, par voie de conséquence de l'anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu'il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.

Responsabilité de plein droit de l'agence de voyage

Selon l'article L. 211-16 du code du tourisme, l'agence de voyage est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services et elle ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.

Il appartient à l'agence de voyage d'apporter la preuve d'une cause exonératoire de responsabilité.

Responsabilité de l'avocat pour avis sur les chances de succès d'un recours

Il appartient à l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de faire preuve à l'égard de son client de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. S'il est libre de choisir, dans l'intérêt de son client, les moyens susceptibles d'être soumis à la juridiction, il doit, dans tous les cas, lui donner son avis sur les chances de succès d'un recours qu'il est chargé d'instruire.

Lorsqu'il délivre une telle consultation, l'avocat doit fournir à son client, en conscience, son appréciation sur les chances de ce recours. C'est au client qu'il appartient, au vu notamment de ce conseil, de décider d'entreprendre ou de poursuivre son action ou, au contraire, d'y renoncer.

Pour apprécier si l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité professionnelle à l'égard de son client, il y a lieu d'apprécier si l'avocat a normalement accompli, avec les diligences suffisantes, les devoirs de sa charge, à la condition que son client l'ait mis en mesure de le faire.

Si sa responsabilité est recherchée à raison d'une consultation donnée sur les chances de succès d'un recours, cette responsabilité n'est susceptible d'être engagée que si l'avocat a failli aux devoirs de sa charge en dissuadant son client d'entreprendre ou de poursuivre une action qui avait des chances manifestes d'aboutir.

Virements frauduleux et absence de responsabilité du banquier

Selon le code monétaire et financier une banque a l’obligation de rembourser ses clients victimes d’escroquerie (CMF, art. L 133-18).

Mais, si le client a commis une négligence grave qui l’a conduit à se faire escroquer, l’obligation de remboursement qui pèse sur la banque est levée (CMF, art L.133-19).

La Cour de cassation juge que la négligence grave du client libère la banque de tout partage de responsabilité.

En l'espèce, la négligence de la société a été caractérisée par le fait qu'elle avait ouvert un courriel comportant un cheval de Troie, lequel avait infecté son ordinateur de comptabilité et permis des virements frauduleux.

Aucune faute ne pouvait donc être reprochée à la Banque

Selon le code monétaire et financier, une banque qui exécute un virement en se basant sur un identifiant (RIB/IBAN) fourni par son client ne peut être tenue responsable de l’opération de paiement lorsque l’identifiant n’oriente pas le transfert de fonds vers le bénéficiaire souhaité (art. L 133-21).

La Cour de cassation juge en conséquence que ces dispositions excluent tout partage de responsabilité entre la banque et son client.

l’origine de l’IBAN dont disposait le client (un piratage informatique), comme le fait que la banque n’ait pas relevé les anomalies que laissait apparaître l’identifiant, ne sont pas des circonstances envisagées par le code monétaire et financier comme ouvrant la possibilité d’un partage de responsabilité.

Dès lors, il ne peut y avoir remboursement, même, partiel du client par la banque.

Responsabilité médicale : inversion de la charge de la preuve

Il résulte des articles L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique et 1353 du code civil que les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute et que la preuve d'une faute comme celle d'un lien causal avec le dommage invoqué incombe au demandeur.

Dans le cas d'une absence ou d'une insuffisance d'informations sur la prise en charge du patient, plaçant celui-ci ou ses ayants droit dans l'impossibilité de s'assurer que les actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés ont été appropriés, il incombe alors au professionnel de santé d'en rapporter la preuve.

Pour rejeter les demandes de M. [E], après avoir relevé, en se fondant sur le rapport d'expertise, que la Société française d'arthroscopie (SFA) recommandait lors d'une arthroscopie de hanche de commencer l'intervention par une introduction d'air puis de sérum physiologique dans l'articulation afin de faciliter la distraction articulaire et la mise en place des dilatateurs articulaires, que cette introduction n'était pas retranscrite dans le compte-rendu opératoire mais que le chirurgien avait indiqué y recourir systématiquement, la cour d'appel a retenu que l'état séquellaire de M. [E], en lien direct avec la rupture de la broche pouvait avoir deux origines distinctes, soit sa constitution anatomique, étant de surcroît atteint d'arthose, soit un manquement du chirurgien qui n'aurait pas suivi la recommandation de la SFA, ce qui ne constituait qu'une hypothèse, non avérée, de sorte que le patient n'établissait pas l'existence d'une faute du chirurgien.

En statuant ainsi, alors que, en l'absence d'éléments permettant d'établir que la recommandation précitée avait été suivie, il appartenait au médecin d'apporter la preuve que les soins avaient été appropriés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Responsabilité de l'avocat pour défaut de conseil

Il résulte de l'ancien article 1147 du Code civil (actuel 1131-1)que l'avocat, investi d'un devoir d'information et de conseil est tenu de recueillir de sa propre initiative auprès de ses clients l'ensemble des éléments d'information et les documents propres à lui permettre d'assurer, au mieux, la défense de leurs intérêts.

Un arrêt devenu irrévocable, a rejeté la demande en revendication du client d'un avocat portant sur la propriété de parcelles par l'effet de la prescription acquisitive aux motifs, notamment, que son client avait proposé le rachat du terrain concerné et reconnu ainsi avoir conscience qu'il s'agissait d'une parcelle appartenant à autrui, et était équivoque.

Il appartenait donc à l'avocat du revendiquant de poser "les bonnes" questions à son client ou solliciter de lui la production de pièces, allant dans le sens de sa revendication, et de recueillir tous les éléments concernant les terrains en cause, avant de conseiller de formuler imprudemment une offre de rachat.

Prescription de l'action pour trouble de voisinage

Il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription quinquennale à laquelle est soumise l'action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage court à compter de la première manifestation des troubles, leur seule répétition sur une longue période ne faisant pas courir un nouveau délai de prescription.

En second lieu, M. [U] ayant soutenu devant la cour d'appel qu'il était recevable à agir à l'encontre des propriétaires successifs et donc directement à l'encontre de la société X, en faisant valoir qu'elle avait commencé son exploitation à compter du 3 décembre 2013, de sorte que son action n'était pas prescrite, il n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures, tiré de ce qu'il aurait été dans l'impossibilité d'agir contre le précédent exploitant.

Inexécution contractuelle et préjudice indemnisable

L'exécution forcée en nature d'une obligation ne pouvant être ordonnée si elle est impossible, il résulte des articles 1103, 1217 et 1221 du code civil que, si la partie envers laquelle l'engagement contractuel n'a pas été exécuté peut poursuivre une exécution forcée en nature, une telle exécution, distincte d'une réparation en nature du préjudice résultant de l'inexécution contractuelle, ne peut porter que sur l'obligation prévue au contrat.

Il résulte des articles 1231-1 et 1240 du code civil que constitue un préjudice indemnisable l'anxiété résultant de l'exposition à un risque élevé de développer une pathologie grave.

Il résulte des articles 1217 la partie envers laquelle l'engagement a été imparfaitement exécuté peut notamment obtenir une réduction du prix. Aux termes de l'article 1223 du code civil que "en cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix. »

Un créancier qui peut faire usage d'une sanction unilatérale devant pouvoir demander au juge de prononcer cette sanction, une réduction du prix peut, en toute hypothèse, être demandée en justice, les conséquences préjudiciables d'un refus injustifié de payer le prix dû pouvant, le cas échéant, être réparées par l'octroi de dommages-intérêts.

Les intérêts de retard peuvent constituer un préjudice indemnisable

Il résulte des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le paiement des pénalités de retard mises à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un préjudice indemnisable, sauf s'il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de ces pénalités.

En effet, les intérêts de retard attachés au redressement fiscal ne constituent pas un préjudice indemnisable dans la mesure où ils ne sanctionnent pas le non-paiement de l'impôt par le contribuable, mais compensent la perte subie par le Trésor public du fait de la perception de l'impôt, dont le montant est resté dans le patrimoine du contribuable et dont sa propre trésorerie a pu bénéficier jusqu'à la rectification et au paiement des sommes dues.

Toutefois, ces intérêts de retard peuvent constituer un préjudice indemnisable, dans la mesure où les fautes commises par le professionnel dans le montage de l'opération de défiscalisation et le suivi de son exécution, n'ont pas permis à l'investisseur d'échapper aux intérêts de retard mis à sa charge.

Le Référentiel de l'ONIAM ne doit pas être contraire au principe de la réparation intégrale

Le Conseil d'Etat a annulé certaines dispositions du référentiel de l'ONIAM contrevenant au principe de la réparation intégrale, à savoir :

  1. Le plafonnement du remboursement des frais de conseil (avocat, médecin) à 700 euros.
  2. Le plafonnement des frais d'obsèques et des frais divers des proches à 5 000 euros.
  3. La limitation de la prise en charge du forfait hospitalier à la moitié de ce dernier.
  4. Les taux horaires proposés pour l'indemnisation des besoins d’assistance par tierce personne, fixés à 13€/h pour une aide non spécialisée et 18€/h pour une aide spécialisée.

Implication d'un véhicule et débordement du réservoir

Au sens de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation.

Dès lors qu'il est constaté qu'un incendie est survenu du fait de la flaque d'essence qui s'était répandue sur le sol depuis les tuyaux de trop-plein de la motocyclette lors du remplissage de son réservoir, il résulte que ce véhicule, qui avait joué un rôle dans l'accident, était impliqué dans celui-ci.



ASSURANCES


Assurance-vie : revirement de jurisprudence sur la substitution de bénéficiaire

Selon 'article L. 132-8 du code des assurances, à défaut d'acceptation par le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, le contractant a le droit de substituer un bénéficiaire à un autre, cette substitution pouvant être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.

La Cour de cassation juge de manière constante que la liste des formes que peut prendre l'acte de substitution de bénéficiaire n'est pas limitative, que la modification du nom du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie n'est subordonnée à aucune règle de forme et que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque, ce qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

La deuxième chambre civile avait cependant affirmé que, hors le cas d'une substitution de bénéficiaire par voie de testament olographe, la validité d'une telle modification est conditionnée, d'une part, à l'expression d'une volonté certaine et non équivoque du contractant, d'autre part, à la connaissance de cette modification par l'assureur avant le décès de l'assuré (2e Civ., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-14.954, publié ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-19.655, publié).

Or,la désignation d'un bénéficiaire est un acte unilatéral de volonté et la faculté de substitution n'exige ni le concours du bénéficiaire ni le consentement de l'assureur, lequel ne peut en aucun cas s'opposer à la volonté du contractant.

Dès lors, la connaissance de cette volonté par l'assureur ne peut pas conditionner la validité de la substitution de bénéficiaire opérée par le contractant.

En conséquence,il convient de juger désormais que la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, qui n'est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d'une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond.

Délais de procédure de règlement de sinistre incendie

Aux termes de l'article L. 122-2 du code des assurances, les dommages matériels résultant directement d'un incendie ou du commencement d'un incendie sont seuls à la charge de l'assureur, sauf convention contraire.

Si, dans les trois mois à compter de la remise de l'état des pertes, l'expertise n'est pas terminée, l'assuré a le droit de faire courir les intérêts par sommation ; si elle n'est pas terminée dans les six mois, chacune des parties peut procéder judiciairement.

Il en résulte que les parties ne sont pas recevables à saisir le juge avant l'expiration d'un délai de six mois suivant la remise de l'état des pertes à l'assureur, sauf si l'expertise amiable a pris fin avant l'expiration de ce délai.

Il s'agirait d'une fin de non-recevoir.

Cependant, lorsque l'assureur a fait connaître son refus de garantie, l'assuré peut saisir le juge pour contester cette décision, sans être tenu de respecter la procédure prévue par l'article L. 122-2 du code des assurances.

L'action en répétition de l'indu ne nécessite pas que le règlement ait été effectué "sous réserve de garantie"

Aux termes de l'ancien article 1235 du Code civil, tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.

L'ancien article 1376 prévoit que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Dans la mesure où un assureur à payé par erreur une indemnité provisionnelle à son assuré, et s'aperçoit par la suite que sa garantie n'était pas due, il n'a pas à justifier lui avoir adressé cette somme "sous réserve de garantie" pour en demander la restitution.

En effet, aucun préjudice n'étant démontré à l'assuré, l'assureur n'était tenu à aucune dette et que l'acompte doit lui être restitué.

Défaut de signature de la police et plafond de garantie

Il résulte de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et les articles L. 112-2, L. 112-3 et L. 112-4 du code des assurances qu'une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.

Dans la mesure où ni les conditions générales du contrat d'assurance, ni la fiche contenant les conditions particulières propres à l'assuré souscripteur ne sont signées par ce dernier, il appartient à l'assureur de rapporter la preuve que l'assuré a eu connaissance, avant le sinistre, du plafond de garantie.

Faute dolosive du promoteur immobilier

Un promoteur livre un immeuble en s'abstenant de faire réhausser les conduits de cheminée d'une maison voisine d'une certaine hauteur par rapport au faîtage de l'ouvrage en construction, alors qu'il avait eu pleinement connaissance de la nécessité de ces travaux de rehaussement dans un rapport d'expertise préventif.

Le refus délibéré du promoteur de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables pour l'immeuble voisin, caractérise sa faute dolosive, excluant la garantie de son assureur de responsabilité civile sur le fondement de l'article L 113.1 du Code des assurances.

Inopposabilité de la nullité de l'article L. 113-8 aux victimes par ricochet

La directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009 définit la « personne lésée » comme celle « ayant droit à la réparation du dommage causé par des véhicules ».

Il s'en déduit que la nullité édictée par l'article L.113-8 du code des assurances n'est pas opposable à la victime par ricochet qui est également le preneur d'assurance, à l'origine de la fausse déclaration de ce preneur d'assurance faite lors de la conclusion du contrat, quant à l'identité du conducteur habituel du véhicule concerné (CJUE, arrêt du 19 septembre 2024, C-236/23).

La nullité lui reste cependant opposable si elle a commis un abus de droit en effectuant de fausses déclarations dans le but essentiel de se prévaloir lui-même des articles 3 et 13 de la directive 2009/103 pour contourner une disposition nationale relative aux conditions légales de nullité d'un contrat.

L'assureur ne peut donc pas opposer à la Caisse primaire d'assurance maladie, tiers payeur subrogé dans les droits des victimes, la nullité du contrat d'assurance qu'il ne peut pas opposer à ces dernières.

La conjonction "lorsque" affecte la validité d'une clause d'exclusion

La clause d'exclusion de garantie stipulant que « demeure toutefois exclue :

  • la fermeture consécutive à une fermeture collective d'établissements dans une même région ou sur le plan national,
  • lorsque la fermeture est la conséquence d'une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».

est rendue ambiguë par l'usage de la conjonction de subordination « lorsque », et nécessite interprétation, de sorte qu'elle doit être déclarée nulle comme non formelle sur le fondement de l'article L 113-1 du Code des assurances.

Exclusion de risque : Frais de remplacement

Selon l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

N'est pas formelle,comme susceptible d'interprétation, la clause selon laquelle sont exclus « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent ».

Opposabilité d'une clause d'exclusion de garantie

Il résulte des articles L. 112-2 et R. 112-3, du code des assurances, ce dernier, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2018-229 du 30 mars 2018, qu'une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.

C'est le cas lorsque l'assuré a reconnu, par une mention expresse de la proposition d'assurance revêtue de sa signature, que les conditions générales, comportant une clause d'exclusion de garantie litigieuse, lui avaient été remises avant la signature du contrat.

Action directe : Formalisme de L.112-4 inopposable aux tiers lésés

Selon l’article L. 112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

Seules les parties au contrat d’assurance peuvent invoquer le non-respect du formalisme prévu par ce texte pour solliciter la nullité d'une clause d'exclusion, et non le tiers lésé agissant par voie d'action directe contre l'assureur.

Assurance de personne : Pathologie préexistante apparue en cours de contrat

Selon l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite « loi Evin », telle que modifiée par la loi n° 94-678 du 8 août 1994, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention. De telles révisions ne peuvent être prévues à raison de la seule résiliation ou du seul non-renouvellement.

Les dispositions de ce texte n'interdisent pas aux parties de définir les conditions d'acquisition de la garantie.

Ayant constaté que le contrat garantissait les risques « incapacité » et « invalidité » et qu'avant la résiliation de celui-ci, l'assuré s'était trouvé dans l'incapacité totale de travailler en raison d'une pathologie dont les premières manifestations cliniques étaient apparues en cours de contrat, la cour d'appel, faisant application des stipulations contractuelles, en a exactement déduit que l'assureur était tenu de prendre en charge les conséquences de cette affection au titre du contrat de prévoyance.

Point de départ du délai de déclaration de sinistre

Il résulte de l'article L. 113-2, 4°, du code des assurances, déclaré d'ordre public par l'article L. 111-2 de ce code, que le délai imparti à l'assuré pour donner avis à l'assureur de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de celui-ci a pour point de départ la connaissance du sinistre par l'assuré, c'est-à-dire la connaissance à la fois de l'événement et des conséquences dommageables de nature à entraîner la garantie de l'assureur.

La clause clause selon laquelle " le capital accident n'est versé que si la reconnaissance de votre état fait suite à une demande d'ITD par accident formulée expressément dans les 24 mois qui suivent le jour de l'accident " instaure non une condition de la garantie mais une déchéance de garantie.

En ce qu'elle impose à l'assuré un délai de 24 mois qui suit le jour de l'accident pour former une demande de garantie, indépendamment de la connaissance par l'intéressé des conséquences dommageables de nature à entraîner la garantie de l'assureur, cette clause n'est pas conforme aux dispositions précitées et est inopposable à l'assuré.



PROCEDURE


Point de départ de la prescription et forclusion

Aux termes de l'article 1224 du code civil : les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le délai de prescription commence à courir, non à la date à laquelle un créancier a connaissance de ce qu'aucune solution négociée avec son débiteur ne lui permettra d'obtenir satisfaction, mais à la date à laquelle il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer une action en justice.

Prescription de l'action contre un notaire du fait d'une décision de l'administration

Aux termes de l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il s'en déduit que le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.

Lorsque l'action en responsabilité tend à l'indemnisation d'un préjudice né d'une décision de l'administration, la prescription ne court pas, en l'absence de recours, tant que cette décision n'a pas acquis un caractère définitif.

Ainsi, pour déclarer une action en responsabilité irrecevable contre un notaire comme prescrite, un arrêt avait retenu qu'après réception d'un courrier, des acquéreurs avaient eu connaissance d'un préjudice qui n'était pas seulement hypothétique, puisqu'il devait être évident pour eux qu'ils allaient devoir faire face à une demande de mise en conformité, qu'ils savaient qu'ils allaient à un différend avec l'administration, laquelle leur avait indiqué de la façon la plus claire que l'immeuble qu'ils avaient acquis se trouvait en infraction, et qu'ils avaient alors connaissance d'un fait susceptible d'engager la responsabilité du notaire instrumentaire.

En statuant ainsi, alors que le dommage subi par les acquéreurs ne s'était pas manifesté tant que la décision de l'administration n'avait pas acquis un caractère définitif, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Procédure de la "passerelle" : Demandes additionnelles possibles

Lorsque le juge est saisi pour statuer au fond sur renvoi du juge des référés en application de l'article 873-1 du code de procédure civile, les parties peuvent présenter devant lui des demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles

, au sens de l'article 70 du code de procédure civile, qui n'avaient pas été présentées devant le juge des référés.

Rappel : Le délai biennal de 1648, al.1 du Code civil est un délai de prescription susceptible de suspension

Il a été jugé que le délai biennal prévu par l'article 1648, al. 1, du Code civil pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 ces textes (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809, publié).

La sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée de l'accès au juge.

Précision sur les modes d'interruption du délai de péremption d'instance

Aux termes de l'article 386 du CPC, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Il résulte de ces textes qu'il appartient aux parties, sauf lorsque la direction de l'instance leur échappe, d'accomplir les actes sous les charges qui leur incombent pour éviter la péremption de l'instance, sanction qui tire les conséquences de leur inertie dans la conduite du procès.

Le juge, saisi par une partie d'un incident de péremption ou se saisissant d'office de cet incident, doit donc rechercher si la péremption est acquise ou non au regard des diligences accomplies par les parties.

Pour apprécier si un acte constitue une diligence interruptive de péremption, la Cour de cassation a retenu, selon les procédures, des critères qui pouvaient être différents.

Cette disparité commandait de clarifier la jurisprudence en redéfinissant les critères de la diligence interruptive de péremption, dans l'objectif de prévisibilité de la norme et de sécurité juridique.

Il convient, en conséquence, de considérer désormais que la diligence interruptive du délai de péremption s'entend de l'initiative d'une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l'instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l'affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond.

Cette volonté de parvenir à la solution du litige peut notamment résulter d'un changement de constitution d'avocat en cours de procédure et, dans ce contexte, d'une sommation de communiquer.

Cette volonté peut être également caractérisée par une demande de rétablissement au rôle par voie électronique, informant le juge de la mise en état de l'échec de la médiation ordonnée dans une autre procédure..

Enfin, étant par nature indivisible, la péremption prévue à l'article 386 du code de procédure civile, lorsqu'elle est demandée par une des parties, éteint l'instance au profit de toutes les autres.

Effet dévolutif de l'appel en cas de précision sur l'objet de la déclaration

Selon l'article 562 du CPC, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 901, la déclaration d'appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, la déclaration d'appel, sous la rubrique « objet et portée de l'appel », mentionnait « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Il est demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement », suivent les condamnations à paiement de la société et « l'infirmer pour le surplus et le réformant », suivent les demandes.

Cette déclaration a ainsi distingué les chefs de la décision dont elle sollicitait la confirmation, du « surplus » de la décision dont elle demandait l'infirmation, sans autre précision, hormis l'énumération des chefs de demande réitérés en appel.

La Cour d'appel a donc retenu à tort que la demande d'infirmation du jugement " pour le surplus " ne satisfaisait pas à l'exigence de citer les chefs du jugement expressément critiqués et a " constaté " l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté, alors que l'acte d'appel précisant ainsi son objet, il s'en déduisait nécessairement l'énumération des chefs de jugement critiqués.

Pas d'article 700 en cas de mesure d'instruction ordonnée au titre de l'article 145

La partie défenderesse à une demande de mesure d'instruction, ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ou demanderesse à la rétractation d'une telle mesure, ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, cette mesure d'instruction n'étant pas destinée à éclairer le juge d'ores et déjà saisi d'un litige mais n'étant ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond. Dés lors, aucune somme ne saurait lui être allouée au titre des dépens et de l'article 700 du CPC.

Recevabilité de l'appel en garantie

Il résulte de l'article 34 du Code de procédure civile qu'une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action ne supposant pas que l'appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial (Civ. 3e, 8 décembre 2021, n° 20-18.540, publié).

La transaction n'emporte pas novation

Un ouvrage a été réceptionné en 2000 et a fait l'objet de désordres qui ont donné lieu à une procédure judiciaire.

En 2013, les parties ont conclu une transaction aux termes de laquelle un constructeur devait réaliser divers travaux de réparation et le syndicat des copropriétaires se désister de l'instance qu'elle avait engagée.

Se prévalant de l'exécution défectueuse de ces travaux de reprise, le syndicat des copropriétaires a assigné ce constructeur en 2014, aux fins de résolution de la transaction et en réparation des désordres.

Or, sauf intention contraire des parties, la transaction n'emporte pas novation (Civ. 1ère, 21 janvier 1997, n° 94-13.826, 94-13.853, publié au Bulletin).

Aux termes des articles 1271 1° et 1273 du Code civil, la novation s'opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte. Elle ne se présume point. Il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

En l'absence de l'expression d'une telle volonté, la transaction n'a pas entraîné de novation par substitution à la convention initiale d'un nouveau contrat de louage d'ouvrage, à raison duquel la responsabilité de l'entreprise pourrait être engagée, indépendamment des désordres affectant les travaux réalisés en 2000.

Il en résulte que l'action intentée en 2014 aux fins de résolution de la transaction et en réparation des désordres était prescrite à l'encontre du constructeur, comme fondée sur les travaux réalisés en 2000, point de départ de la prescription.

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