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Jean-François CARLOT - Docteur en Droit - Avocat Honoraire

CONTENTIEUX du RISQUE, de la RESPONSABILITE et de l'ASSURANCE

Jurisprudence 1er Sem. 2024
VEILLE JURISPRUDENTIELLE du 2e Semestre 2024
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RESPONSABILITES

Responsabilité de l'avocat pour défaut de conseil

Il résulte de l'ancien article 1147 du Code civil (actuel 1131-1)que l'avocat, investi d'un devoir d'information et de conseil est tenu de recueillir de sa propre initiative auprès de ses clients l'ensemble des éléments d'information et les documents propres à lui permettre d'assurer, au mieux, la défense de leurs intérêts.

Un arrêt devenu irrévocable, a rejeté la demande en revendication du client d'un avocat portant sur la propriété de parcelles par l'effet de la prescription acquisitive aux motifs, notamment, que son client avait proposé le rachat du terrain concerné et reconnu ainsi avoir conscience qu'il s'agissait d'une parcelle appartenant à autrui, et était équivoque.

Il appartenait donc à l'avocat du revendiquant de poser "les bonnes" questions à son client ou solliciter de lui la production de pièces, allant dans le sens de sa revendication, et de recueillir tous les éléments concernant les terrains en cause, avant de conseiller de formuler imprudemment une offre de rachat.

Garde de la chose : Pas de force majeure en cas de collision entre skieurs

Il résulte de l'article 1242, alinéa 1er, du code civil qu'un événement n'est constitutif de la force majeure permettant de s'exonérer de la responsabilité prévue par ce texte que s'il est imprévisible, irrésistible et extérieur.

La simple modification de sa trajectoire par un skieur engagé dans une épreuve de ski-cross, ne constitue pas un événement imprévisible pour un autre concurrent, lequel doit donc être déclaré responsable des dommages causés à ce concurrent en cas de collision.

Garde de la chose : Immunité de l'employeur de la victime

Selon l'article 1242, al.1, du Code civil, on est responsable des dommages causés par "les choses qu'on a sous sa garde", même si celles-ci ne sont pas clairement identifiées, à condition de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre leur survenance et leur intervention.

Il en est ainsi en cas d'inhalation d'un nuage de gaz toxique survenu dans une entreprise, bien que son origine exacte soit demeurée inconnue.

La preuve est ainsi apportée par présomption sur des éléments de faits soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond.



Par ailleurs, en application des articles L. 451-1, L. 452-5 du Code de la Sécurité Sociale , sauf si la faute de l'employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l'entreprise, qui a indemnisé la victime d'un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n'a pas de recours contre l'employeur de celle-ci.

Selon l'article L. 482-4 du meme code, est nulle de plein droit toute convention contraire au livre IV du même code, relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles.

Il en résulte qu'un employeur ne peut renoncer à l'immunité dont il bénéficie en application de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale.

Ainsi l'entreprise gardienne de la chose dommageable, et dont la responsabilité est engagée à l'égard des salariés victime, ne peut exercer de recours à l'encontre de leur employeur en vertu d'une convention selon laquelle le prestataire est totalement responsable des agissements de son personnel dans le cadre des missions qui lui sont confiées et garantit le client de toute action, notamment de ses propres salariés contre le client, et qu'en l'absence de faute lourde alléguée imputable au client, le prestataire doit sa garantie à ce dernier.

Opposabilité d'une clause limitative de responsabilité aux tiers et à leurs assureurs subrogés

La Cour de cassation juge que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) et que s'il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit, il n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, n° 17-19.963, publié au bulletin).

Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s'est engagé en considération de l'économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants.

Responsabilité solidaire des parents séparés du fait de leurs enfants mineurs

Vu l'article 1242, alinéa 4, du code civil :

Dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, l'article 1384, alinéa 4, du code civil disposait que le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Dans sa version issue de la loi précitée, qui pose le principe de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, ce texte, devenu l'article 1242, alinéa 4, du code civil, dispose que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Ce texte n'envisageant que la situation de l'enfant habitant avec ses deux parents, la jurisprudence a dû interpréter la notion de cohabitation lorsque les parents ne vivent pas ensemble.

La Cour de cassation juge à cet égard, avant comme après l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, que cette condition de cohabitation n'est remplie qu'à l'égard du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée par un juge ;(2e Civ., 20 janvier 2000, pourvoi n° 98-14.479, Bull. 2000, II, n° 14), de sorte que la responsabilité d'un dommage causé par son enfant mineur lui incombe entièrement quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exerce conjointement l'autorité parentale (Crim., 6 novembre 2012, pourvoi n° 11-86.857, Bull. crim. 2012, n° 241) et que le fait dommageable de l'enfant a eu lieu pendant cet exercice.

Cette jurisprudence est de nature à susciter des difficultés dans les situations, de plus en plus fréquentes, où les enfants résident alternativement chez l'un et l'autre de leurs parents, ou encore celles où ces derniers conviennent du lieu de résidence des enfants sans saisir le juge.

Elle est critiquée par une large partie de la doctrine et, parfois, écartée par des juridictions du fond qui privilégient la seule condition de l'exercice conjoint de l'autorité parentale ou apprécient concrètement le lieu de résidence effectif de l'enfant au moment du dommage.

En outre, elle se concilie imparfaitement avec l'objectivation progressive de la responsabilité civile des parents du fait de leur enfant mineur, qui permet notamment une meilleure indemnisation des victimes.

La Cour de cassation juge en effet que l'article 1384, alinéa 4, devenu l'article 1242, alinéa 4, du code civil, édicte une responsabilité de plein droit des père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux, dont seule la force majeure ou la faute de la victime peut les exonérer (2e Civ., 19 février 1997, pourvoi n° 94-21.111, Bull. 1997, II, n° 56).

Elle énonce également que cette responsabilité n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant (2e Civ., 10 mai 2001, pourvoi n° 99-11.287, Bull. 2001, II, n° 96), de sorte qu'il suffit, pour qu'elle soit engagée, qu'un dommage soit directement causé par son fait, même non fautif (Ass. plén., 13 décembre 2002, pourvoi n° 00-13.787, Bull. crim. 2002, Ass. plén., n° 3 ; Ass. plén., 13 décembre 2002, pourvoi n° 01-14.007, Bull. 2002, Ass. plén., n° 4).

Ainsi, les parents ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité objective au seul motif qu'ils n'ont commis aucune faute, qu'elle soit de surveillance ou d'éducation.

Enfin, cette jurisprudence, qui décharge de sa responsabilité de plein droit le parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée, s'accorde également imparfaitement avec l'objectif de la loi du 4 mars 2002 de promouvoir le principe de la coparentalité.

Ce principe reflète, en droit interne, celui posé par l'article 18, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement, laquelle subsiste après la séparation du couple parental.

L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à interpréter désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs, et à juger désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l'égard duquel ils exercent conjointement l'autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administrative ou judiciaire confient ce mineur à un tiers.

Il en résulte que les deux parents, lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale à l'égard de leur enfant mineur, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l'enfant n'a pas été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.



Note :

  • les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part.
  • Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours contre les autres à proportion de leur propre part.
  • Si l'un d'eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d'une remise de solidarité.

Responsabilité du vendeur pour défaut d'information du consommateur sur les conditions de transport de la chose vendue

Aux termes de l'article L. 221-1, alinéa premier, devenu L. 421-3, du code de la consommation, les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Après avoir constaté qu'un consommateur avait chargé sur sa remorque 67 planches, longues chacune de 4,52 mètres, avec l'aide d'un préposé de la société venderesse, l'arrêt retient que l'acquéreur, simple consommateur profane, n'avait été informé du poids total des planches, ni par le préposé qui l'ignorait, ni par les factures qui ne le mentionnaient pas, et ce, quoique le vendeur ait été sensibilisé par une campagne de la fédération de négoce bois et matériaux au problème de la surcharge des véhicules et à la nécessité de refuser de charger les matériaux en ce cas.

Le vendeur a ainsi méconnu l'obligation d'information et de conseil, inhérente au contrat de vente, qui lui incombait au regard des caractéristiques de l'ensemble des matériaux vendus et des conditions raisonnablement prévisibles de leur transport par un non-professionnel.

Action récursoire d'un Centre Hospitalier contre le fabricant d'un produit défectueux

Le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise, y compris lorsqu'il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d'un patient.

Lorsqu'un établissement de santé a, en raison de ce que sa responsabilité était engagée, indemnisé un patient des dommages ayant résulté de l'utilisation, lors de soins pratiqués dans l'établissement, d'un produit de santé défectueux, il a la possibilité de rechercher, à titre récursoire, la responsabilité du producteur de ce produit sur le fondement particulier des dispositions des articles 1245 à 1245-17 du code civil.

Selon l'article 1245-15 du même code, l'action récursoire du centre hospitalier ne peut être exercée contre le producteur du produit que dans un délai de dix ans à compter de la mise en circulation de celui-ci, sauf si la victime a elle-même engagé, dans ce délai, une action à l'encontre du producteur visant à la réparation des dommages ayant résulté de l'utilisation de ce même produit.

Il est par ailleurs loisible à l'établissement de santé, s'il s'y croit fondé, d'engager une action récursoire contre le producteur de ce produit en invoquant la responsabilité pour faute de ce dernier.

Préjudice réparable : préjudice d'angoisse de mort imminente en cas de survie

À compter de la survenance du fait dommageable, la victime d'une atteinte corporelle ou d'une menace d'atteinte corporelle suffisamment graves pour qu'elle envisage légitimement l'imminence de sa propre mort, subit un préjudice spécifique.

Dans le cas où la victime a survécu, ce préjudice se réalise dès qu'elle a conscience de la gravité de sa situation et tant qu'elle n'est pas en mesure d'envisager raisonnablement qu'elle pourrait survivre.

Ce préjudice d'angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu'endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu'à la consolidation de son état de santé.

Cependant, son indemnisation par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

Action civile devant le Juge pénal : Condamnation solidaire et connexité

Il résulte des articles 1240, du code civil, ainsi que des articles 2 et 3 du code de procédure pénale qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe.

Le fait qu'une partie civile ait uniquement sollicité la condamnation " solidaire " des prévenus au paiement de la totalité de ses préjudices, ne la prive pas de la possibilité d'obtenir des dommages et intérêts en réparation de ceux-ci.

Dès lors qu'il existe un préjudice subi par la victime en raison des délits commis par les prévenus, il appartient au Juge, s'il estime que les prévenus ne pouvaient être condamnés solidairement, de rechercher, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et dans la limite de la somme totale demandée, le préjudice subi par la partie civile en raison des faits commis par chacun des prévenus et de les condamner individuellement au paiement de cette somme.

En effet, il se déduit de l'article 480-1 du code de procédure pénale que la solidarité s'agissant des dommages et intérêts entre les personnes condamnées pour un même crime s'applique également à celles qui ont été déclarées coupables de différentes infractions rattachées entre elles par des liens d'indivisibilité ou de connexité.

De plus, les dispositions du premier de l'article 203 relatives à la connexité ne sont pas limitatives et s'étendent aux cas dans lesquels il existe entre les faits des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus et notamment au cas où les faits présentent une identité d'objet et une communauté de résultats.

Dès lors, on ne peut écarter la connexité du seul fait qu'il n'ait pas été retenu entre les prévenus une forme de coaction, une commission des faits en réunion ou en bande organisée ou la complicité des prévenus pour la commission des infractions.

Une demande reconventionnelle est soumise à la prescription

Ayant constaté qu'en exécution d'un jugement, les maîtres de l'ouvrage avaient reçu une somme qui n'avait pas été contestée devant elle par l'entrepreneur et son assureur, qu'elle avait confirmée et qui permettait d'exécuter les travaux, une cour d'appel, qui a fait ressortir l'absence de lien de causalité entre les manquements de l'entrepreneur et le préjudice de jouissance des maîtres de l'ouvrage postérieur à la date à laquelle l'ouvrage pouvait être remis en état, en déduit exactement que la demande d'indemnisation de ce préjudice ne peut être accueillie.

Par ailleurs, aux termes de l'article 64 du Code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

Aux termes de l'article 71 constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

Constitue une demande reconventionnelle, donc soumise à la prescription, et non une défense au fond la demande d'un entrepreneur tendant au paiement, par compensation, de sa propre créance avec celle d'un maître d'ouvrage.

Notion de réception tacite

La retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s'y substituer, prévues par l'article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 ont pour but de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception (3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-12.639, Bull. 2004, III, n° 154 ; 3e Civ., 7 décembre 2005, pourvoi n° 05-10.153, Bull. 2005, III, n° 238).

Il résulte de l'article 1792-6 que la réception tacite de l'ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de l'accepter.

Un constat d'huissier de justice faisant état d'un abandon de chantier, d'inachèvements et de non-façons, ainsi qu'une déclaration de créance s'analysant comme une demande en paiement, le maître de l'ouvrage sollicitant l'inscription au passif du constructeur de la somme correspondant aux chiffrages des reprises listées dans ce constat, ne caractérise pas la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux dans leur état d'avancement à la date de l'abandon d'un chantier.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Une lettre adressée par le service urbanisme de la mairie de [Localité 11] à la SCI le 19 mars 2009, la mettant en demeure de revenir au projet du permis de construire initial ou de présenter une demande de permis ne pouvant en aucun cas être la régularisation du projet souhaité, était dépourvue de toute ambiguïté sur l'absence de régularisation possible du non-respect, par la construction, de la règle d'implantation prévue par le PLU imposant un retrait de 10 mètres par rapport à la voie publique.

la SCI avait eu, dès cette lettre, connaissance du caractère inéluctable de la suppression d'une partie de l'ouvrage non conforme aux règles d'urbanisme et que cette non-conformité n'était pas régularisable, elle disposait, dès cette date, de tous les éléments lui permettant d'agir en responsabilité à l'encontre de ses cocontractants, de telle sorte que l'action engagée le 24 juin 2014, plus de cinq ans après, était prescrite.



ASSURANCES


Intérêt à agir et caractérisation de la faute intentionnelle ou dolosive

L'article L. 124-1 du code des assurances dispose que, dans les assurances de responsabilité, l'assureur n'est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par le tiers lésé. L'arrêt précise qu'en vertu de l'article L 124-3 du même Code l'assuré n'a un intérêt "né et actuel" et n'est donc recevable à agir à l'encontre de son assureur de responsabilité que si une demande d'indemnisation est faite contre lui par la victime du dommage, ou s'il l'a déjà indemnisée.

par ailleurs, le fait de mettre sciemment sur le marché de la viande hachée sur laquelle le fabricant avait délibérément allégé les contrôles sanitaires et, ainsi, en toute conscience du caractère inéluctable du dommage qui s'ensuivrait, notamment en ce qui concerne la nécessité de retrait de ce produit, constitue une faute intentionnelle au sens de l'article L. 113-1, al.2 du Code des assurances, légalement exclue de la garantie " frais de retrait " de son assureur.

La nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration est inopposable au passager victime, même s'il est le preneur d'assurance

L’article 3, premier alinéa, et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent, sauf si la juridiction de renvoi constate l’existence d’un abus de droit, à une réglementation nationale qui permet :

  • d’une part, d’opposer au passager d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, qui est victime de cet accident, lorsque celui-ci est également le preneur d’assurance, la nullité du contrat d’assurance de la responsabilité civile automobile résultant d’une fausse déclaration de ce preneur d’assurance faite lors de la conclusion de ce contrat, quant à l’identité du conducteur habituel du véhicule concerné et,
  • d’autre part, à l’assureur, dans l’hypothèse où une telle nullité est effectivement inopposable à un tel « passager victime », d’obtenir le remboursement de la totalité des sommes qu’il a versées à ce passager en exécution du contrat d’assurance au moyen d’un recours introduit contre ce dernier, fondé sur la faute intentionnelle commise par celui-ci lors de la conclusion de ce contrat, dès lors qu’un tel remboursement conduirait à priver de tout effet utile les dispositions de cette directive, en limitant de manière disproportionnée le droit de la victime à obtenir une indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.

Application en matière d'absence de certificat en cours de validité :

Il résulte des articles R. 211-10, 1° et R. 211-13, 4°, du code des assuranceque les clauses du contrat d'assurance automobile prévoyant une exclusion de garantie lorsque, au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit.

Toutefois, conformément aux articles 3, § 1, et 13, § 1 et 2, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009, et dela jurisprudence de la CJUE que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'elles rendent inopposables à l'assuré victime qui n'était pas conducteur du véhicule assuré les clauses prévoyant une exclusion de garantie lorsque, au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule.

Fondement et étendue de la subrogation de l'assureur

Selon l'article 1346-1 du code civil, la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante (1re Civ., 24 octobre 2000, pourvoi n° 98-22.888, publié ; 1re Civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 19-14.104), le débiteur qui s'acquitte d'une dette personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation, qu'elle soit légale ou conventionnelle, s'il a, par son paiement, libéré envers le créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette.

En application de l'article 1346-4 du code civil, la subrogation transmet au subrogé la créance et ses accessoires, parmi lesquels le titre exécutoire dont bénéficiait le créancier subrogeant.

Les victimes d'une escroquerie ont établi des quittances subrogatives au bénéfice de l'assureur d'un expert-comptable dont la responsabilité contractuelle a été engagée pour ne pas avoir détecté l'escroquerie et alerté ces victimes, en raison du paiement par celui-ci de la dette de son assuré et que ces quittances ont été notifiées à l'escroc.

Cet escroc étant le débiteur final de la dette résultant des détournements pour lesquels il avait été définitivement condamné, l'assureur de l'expert comptable fautif justifiait d'une subrogation conventionnelle dans les droits dont les victimes étaient titulaires à l'encontre de cet escroc et était donc recevable à intervenir, sur le fondement du titre exécutoire qu'elles avaient obtenues à la procédure de saisie des rémunérations diligentée par les victimes contre l'escroc, à hauteur des sommes que cet assureur leur avait payées.

Catastrophe naturelle : Point de départ de la prescription à la date de connaissance des dommages

Selon l'article L.114-1 du Code des assurances, que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d'un contrat d'assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l'article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

Toutefois, ce délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.

De son côté, l'article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Dès lors, il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le point de départ de la prescription de l'action en indemnisation des conséquences dommageables d'un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l'arrêté, il peut être reporté au-delà si l'assuré n'a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu'après cette publication.

Pas de globalisation en cas de défaut d'information du professionnel

Il résulte des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 que le paiement des pénalités de retard mises à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un préjudice indemnisable, sauf s'il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de ces pénalités.

Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 124-1-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique.

Le caractère accidentel d'un décès constitue une condition de garantie

le caractère accidentel du décès constitue une circonstance qui, s'agissant de l'application d'un contrat d'assurance couvrant les accidents corporels, est une condition de la garantie, même si, au sens de deux dictionnaires courants, l'existence d'une cause extérieure ne participe pas à la définition du terme accident.




PROCEDURE


La transaction n'emporte pas novation

Un ouvrage a été réceptionné en 2000 et a fait l'objet de désordres qui ont donné lieu à une procédure judiciaire.

En 2013, les parties ont conclu une transaction aux termes de laquelle un constructeur devait réaliser divers travaux de réparation et le syndicat des copropriétaires se désister de l'instance qu'elle avait engagée.

Se prévalant de l'exécution défectueuse de ces travaux de reprise, le syndicat des copropriétaires a assigné ce constructeur en 2014, aux fins de résolution de la transaction et en réparation des désordres.

Or, sauf intention contraire des parties, la transaction n'emporte pas novation (Civ. 1ère, 21 janvier 1997, n° 94-13.826, 94-13.853, publié au Bulletin).

Aux termes des articles 1271 1° et 1273 du Code civil, la novation s'opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte. Elle ne se présume point. Il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

En l'absence de l'expression d'une telle volonté, la transaction n'a pas entraîné de novation par substitution à la convention initiale d'un nouveau contrat de louage d'ouvrage, à raison duquel la responsabilité de l'entreprise pourrait être engagée, indépendamment des désordres affectant les travaux réalisés en 2000.

Il en résulte que l'action intentée en 2014 aux fins de résolution de la transaction et en réparation des désordres était prescrite à l'encontre du constructeur, comme fondée sur les travaux réalisés en 2000, point de départ de la prescription.

Juris'Game

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Fins de non-recevoir en appel

Les fins de non-recevoir, n’étant pas des prétentions sur le fond, ne sont pas soumises à l’obligation de concentration des prétentions dans les premières conclusions d’appel (Civ. 2e, 4 juillet 2024, n° 21-20.694, publié au Bulletin) et lorsqu'elles sont fondées sur la prescription de l’action soulevée par l’intimé à l’occasion de l’appel d’un jugement ayant condamné en paiement les appelants, elles constituent des moyens de défense à l’appel principal, qui n’ont pas à faire l’objet d’un appel incident (Civ. 2e, 4 juillet 2024, n° 21-21.968, publié au Bulletin).

Nécessité de respect de la clause de conciliation, y compris en cas de nouvelle instance au fond

Des demandeurs ont cédé à une défenderesse un fonds de commerce. L'acte de cession comportait une clause de conciliation préalable à toute instance judiciaire pour toute contestation relative à l'exécution du contrat.

Après avoir vainement mis en oeuvre une procédure de conciliation, les demadeurs ont saisi en référé le président d'un tribunal de commerce de demandes, tendant à voir condamner la société cessionnaire à exécuter ses obligations contractuelles, qui ont été rejetées par une cour d'appel.

Les demandeurs ont alors repris leur demande au fond, et la défenderesse a soulevé une fin de non recevoir tirée de l'absence de mise en oeuvre de la clause de conciliation préalablement à cette instance au fond.

Il résulte de l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil, et de l'article 122 du code de procédure civile que la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent.

Ayant relevé, d'une part, que le contrat de cession de fonds de commerce comportait une clause prévoyant que toutes les contestations relatives à l'interprétation et l'exécution de la convention devaient, préalablement à toute instance, être soumises à des conciliateurs, d'autre part, que la défenderesse soulevait la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en oeuvre de cette procédure de conciliation préalablement à l'instance au fond, et enfin que les demandeurs lui soumettaient un différend né de l'exécution du contrat de cession, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision en déclarant irrecevables les prétentions des demandeurs.

Pas d'action contre son assureur de RC en l'absence de réclamation de la victime

En 2011, une société a fabriqué des steaks hachés qui ont dû être retirés du marché en raison d'un risque sanitaire, et son dirigeant a été condamné pénalement pour diverses infractions et à indemniser 16 victimes.

Bien qu'aucune réclamation n'ait encore été formée par les victimes à l'encontre de la société fabricante, celle-ci a assigné "à titre préventif" son assureur de responsabilité civile "Produits livrés" afin de l'entendre condamner à la relever et garantir de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être mise à sa charge du fait de ces dommages.

L'article L. 124-1 du code des assurances dispose que, dans les assurances de responsabilité, l'assureur n'est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par le tiers lésé et l'article L. 124-3, alinéa 2, du même code énonce que l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.

En l'espèce, l'assuré n'alléguait pas et, a fortiori, ne démontrait pas, avoir indemnisé une victime, ni même avoir fait l'objet, de la part d'une victime, d'une quelconque demande d'indemnisation en lien avec la crise sanitaire de juin 2011, de sorte que les préjudices sont, en l'état, simplement éventuels, donc futurs et incertains.

Sa demande était donc irrecevable, faute d'intérêt pour agir.

Point de départ de la prescription des actions récursoires

a. Point de départ à compter de la décision juridictionnelle ayant reconnu un droit contesté au profit d’un tiers :

Un notaire établit des actes de cession de parts et de donation de parents à leurs enfants.

Estimant que les donations avaient pour objet d'éluder le paiement de l'impôt sur la plus-value, l'administration fiscale a notifié aux enfants un redressement.

Après rejet de leurs recours par la juridiction administrative, les enfants assignent le notaire en responsabilité et en indemnisation.

Pour déclarer prescrite l'action récursoire en responsabilité des enfants contre leur notaire au titre de manquements à ses obligations, l'arrêt d’appel retient à tort que le délai de prescription a couru à compter de la notification par l'administration fiscale de l'avis de mise en recouvrement en 2012, alors qu’il aurait du courir à compter de la date de la décision juridictionnelle ayant définitivement statué sur leur réclamation en 2013.

b. Point de départ à compter de l’assignation :

Un notaire a établi un acte de notoriété désignant le conjoint survivant, en qualité de légataire de la quotité disponible entre époux, en présence d’enfants, et héritier du quart des biens en pleine propriété.

Une convention sous seing privé prévoyant les bases d'un partage amiable a été établie entre les héritiers, sous le contrôle des avocats des parties, dont celui du conjoint survivant.

Ce dernier assigne ultérieurement le notaire en responsabilité pour violation de son obligation d’information.

Le notaire est finalement déclaré responsable et condamné à payer des dommages et intérêts à sa cliente, conjoint survivant.

Les assureurs de la responsabilité du notaire exercent alors ultérieurement un recours contre l’avocat du conjoint survivant comme coauteur du défaut de conseil.

La Chambre mixte estime que la prescription de l'action récursoire engagée par le notaire contre l’avocat du conjoint survivant avait commencé à courir au jour ce notaire avait été assigné en responsabilité civile.

En effet, le notaire ne pouvait ignorer, dès la délivrance de l'assignation le concernant, ni l'erreur commune à tous les professionnels du droit intervenus, commise lors de l'établissement de l'acte de notoriété, ni le fait que le conjoint survivant n'avait pu obtenir la validation de l'option qu'elle avait entendu régulariser sur ses conseils, ni les conséquences préjudiciables qu'en tirait le conjoint survivant à son endroit.

Actions récursoires entre constructeurs et reconnaissance d'un droit

En application des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce, le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

S'il était jugé (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié) que le point de départ du délai de recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant était la date à laquelle l'entrepreneur principal avait été assigné en référé-expertise par le maître de l'ouvrage, la Cour de cassation a, par un arrêt ultérieur (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié), modifié cette règle en décidant qu'une assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

Il en résulte qu'une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à un entrepreneur, non assortie d'une demande de reconnaissance d'un droit, fût-ce par provision, ne fait pas courir le délai de prescription de l'action en garantie de ce constructeur contre d'autres intervenants à l'acte de construire.

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la responsabilité décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas, de sorte que le point de départ du délai de cette action n'est pas la date de réception des ouvrages (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23 ).

Elle en a déduit que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 de code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié).

S'agissant du point de départ du délai des recours entre constructeurs, elle a décidé qu'une assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié).

Pour mettre hors de cause un assureur, un arrêt énonce donc à tort que le recours entre les constructeurs est soumis à la prescription quinquennale à compter de la demande en justice que si le constructeur reste exposé tout comme son assureur dommages-ouvrages au recours du maître de l'ouvrage et de son assureur.En effet, la recevabilité des recours entre les constructeurs ou leurs assureurs ne dépend pas de celle de l'action en responsabilité décennale du maître de l'ouvrage ou de l'assureur dommages-ouvrages à leur encontre.

Loyauté de la preuve : Enregistrement à l'insu

En application des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code de procédure civile, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Un employeur conteste l'existence même d'un accident du travail et pour établir avoir été molesté par le gérant au cours d'une dispute, la victime produit , outre un procès-verbal de dépôt de plainte et deux certificats médicaux, un procès-verbal d'huissier de justice retranscrivant un enregistrement effectué sur son téléphone portable lors des faits et effectué à l'insu de l'employeur.

L'altercation enregistrée est intervenue au sein de la société dans un lieu ouvert au public, au vu et au su de tous, et notamment de trois salariés et d'un client de l'entreprise.

La victime indique qu'elle s'est bornée à produire un enregistrement limité à la séquence des violences qu'elle dit avoir subi et n'a fait procéder au constat de la teneur de cet enregistrement par un huissier de justice que pour contrecarrer la contestation de l'employeur quant à l'existence de l'altercation verbale et physique.

De ces constatations et énonciations, dont il résulte qu'elle a recherché, comme elle le devait, si l'utilisation de l'enregistrement de propos, réalisé à l'insu de leur auteur, portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du dirigeant de la société employeur et le droit à la preuve de la victime, la cour d'appel a pu déduire que la production de cette preuve était indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci, et que l'atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l'employeur.

Ainsi, il appartient au Juge de vérifier si la production de l'enregistrement d'un entretien effectué à l'insu de l'employeur, est indispensable à l'exercice du droit à la preuve d'un harcèlement moral.

La preuve d'un fait juridique peut être apportée par tout moyen

Le principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique tel qu'une livraison.

Le décompte établi par un assureur peut rapporter la preuve de la réalité d'un versement, et, par voie de conséquence, de sa créance qui justifierait une compensation.

Constatation par le JEX du caractère réputé non écrit d'une clause abusive

Par un arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14 ECLI:EU:C:2017:60 Banco Primus), la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée.

Le juge de l’exécution peut donc constater, dans le dispositif de sa décision, le caractère réputé non écrit d’une clause abusive.

Il ne peut cependant ni annuler le titre exécutoire, ni le modifier et ne peut pas non plus statuer sur une demande en paiement, hors les cas prévus par la loi.

Le titre exécutoire étant privé d’effet en tant qu’il applique la clause abusive réputée non écrite, le juge de l’exécution est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d’exécution forcée dont il est saisi.

Il tire ensuite toutes les conséquences de l’évaluation de cette créance sur les contestations des mesures d’exécution dont il est saisi.

Lorsqu’il constate que le débiteur ne doit plus aucune somme, il doit ordonner la mainlevée de la mesure.




LEGISLATION





DOCTRINE - PUBLICATIONS



  • Jean-François Carlot : Parution ouvrage "Contentieux de l’assurance : Maîtriser l’art de la résolution des litiges dans le secteur assurantiel" ; 08.2024, Ed. L'Argus de l'assurance
  • ACPR : Recommandation 2014-R-02 du 21 novembre 2024 sur le recueil des informations relatives au client pour l’exercice du devoir de conseil et la fourniture d’un service de recommandation personnalisée en assurance
  • Pascal Dessuet : " L'article 1792-7 du Code civil, cet inconnu : à la recherche d'une frontière pour l'obligation d'assurance en matière de construction " ; RGDA oct. 2024, n° RGA202b7, p. 18
  • É.Valette, P.Métais, E.Gafsi : " IA : vers la « responsabilité civile 3.0 » , LPA sept. 2024, n° LPA203g3, p.65 - M. Redon-Magloire, L’intelligence artificielle et le risque assurantiel : un cadre juridique en construction, Colloque Risques émergents et assurance, bjda.fr 2024, n° 95
  • Alexandre Nivert : " Théorie et pratique de la détermination de la date de conclusion du contrat d'assurance ", LPA sept. 2024, n° LPA203g4, p.28. "Bien qu’il soit classiquement enseigné que le contrat d’assurance se forme lorsque l’assureur accepte l’offre émise par le souscripteur, l’analyse théorique et pratique de la conclusion des contrats d’assurance révèle des logiques bien plus diversifiées, fluctuant selon l’assurance considérée".
  • Valentine Coudert et Tiphaine Mary : " Réforme de la procédure d'appel : retour sur les principales dispositions " ; GPL 1er oct. 2024, n° GPL468l2, p. 8.
  • Rodolphe Bigot : " « L’aide à mourir » et la neutralisation des exclusions de garantie en droit des assurances ", DA 19 Septembre 2024.
  • Vincent MAZEAUD : " Un an de contentieux des assurances - (juillet 2023 – juin 2024) " , Revue Procédures - N° 8-9 - Août-Septembre 2024, Chr. 7 - Prescription, Instance, Jugement.
  • Jean-Sébastien Borghetti : " La prescription des actions en responsabilité délictuelle " , RDC juin 2024, n° RDC201z1, p.139.