RESPONSABILITES
VICE CACHE ET DOMMAGE REPARABLE
Une maison d'habitation a été vendue moyennant le prix de 98 000 €.
A la suite de l'apparition de désordres et après expertise, les acquéreurs ont assigné notamment le vendeur en garantie des vices cachés, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code Civil.
Il résulte de l'article 1645 du code civil que le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur, qui peut exercer l'action en indemnisation indépendamment de l'action rédhibitoire ou estimatoire (Cass. Com., 19 juin 2012, 11-13176, Bull. 2012, IV, n° 132 ; Cass. Civ. I, 26 septembre 2012, 11-22399, Bull. 2012, I, n° 192 ; Cass. Civ. III, 24 juin 2015, 14-15205, Bull. 2015, III, n° 66).
Ainsi, lorsque l'immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l'acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages-intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction.
Le vendeur de mauvaise foi peut être condamné à des dommages-intérêts correspondant à l'intégralité du préjudice subi et l'acquéreur est en droit de demander la réparation de tout préjudice imputable au vice.
En l'espèce, il était établi que la nouvelle habitation aurait la même superficie que l'ancienne et que le préjudice subi par les acquéreurs ne pouvait être réparé, sans enrichissement sans cause, que par la démolition et la reconstruction du bâtiment, seules de nature à mettre fin aux vices constatés, y compris d'implantation.
Dès lors, la demande en indemnisation des acquéreurs, fondée sur les règles de la responsabilité civile, incluant le coût des travaux de démolition et de reconstruction d'un montant de 129.931 €, soit bien supérieure au prix de vente, doit être accueillie.
Cass. Civ. III, 30 janvier 2020, 19-10176, Publié au bulletin
Selon l'article 1644 du Code Civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
L'action estimatoire n'ayant pas un caractère indemnitaire, cette restitution du prix ne constitue pas la réparation d’un préjudice indemnisable, mais a pour seul objet de rétablir l'équilibre contractuel en compensant, par la restitution d'une partie du prix de vente, la perte d'utilité du bien résultant de l'existence d'un vice caché.
Dès lors, le cumul des sommes allouées au titre de l’action estimatoire et des dommages et intérêts ne peut excéder la perte de l’utilité de la chose.
Ainsi, la restitution d'une partie du prix de vente et l'indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction compensent l'une et l'autre la "perte de l'utilité de la chose". (Cass. Civ. III, 14 décembre 2017, 16-24170, Publié au bulletin )
Dans l'action rédhibitoire, le vendeur professionnel, censé connaître les vices de la chose, est tenu, outre à la restitution du prix, à des dommages-intérêts en réparation de l'intégralité du préjudice causé. (Cass. Civ. I, 6 juillet 1999, 97-16885)
Mais l'action en réparation du préjudice subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire et peut, par suite, être engagée de manière autonome.
L’action indemnitaire engagée à titre principal, et indépendamment des autres, permet d'obtenir la réparation de l'intégralité du préjudice, même si son montant excède le prix de la vente.
L'indemnité accordée peut être supérieure à la valeur de la chose ou encore au montant du prix que le vendeur aurait été tenu de restituer dans le cadre de l'action rédhibitoire, et dans l'évaluation de l'indemnité, il ne peut être fait application d'un abattement pour vétusté sur le coût de la démolition et de la reconstruction d'une maison. (Cass. Civ. III, 8 octobre 1997, 95-19808, Publié au bulletin )
Dans le cas où l'action rédhibitoire est refusée, notamment en raison de l'absence d'impropriété à destination, des dommages et intérêts compensant le préjudice peuvent être accordés à titre subsidiaire (Cass. Civ. III, 25 juin 2014, n° 13-17254).
RESPONSABILITE CONTRACTUELLE : LE DOMMAGE REPARABLE DOIT AVOIR ETE PREVISIBLE
Il résulte de l'actuel article 1231-3 du code civil qu’en matière de responsabilité contractuelle, le dommage n’est indemnisable que s’il était prévisible lors de la conclusion du contrat et a constitué une suite immédiate et directe de l’inexécution de ce contrat.
Cass. Com. II, mars 2020, 18-22472 ; publié au Bulletin ; Dalloz-Actualités,27 avril 2020, note Henri Conte
En l'espèce, si les acquéreurs avaient exercé à la fois une action estimatoire et indemnitaire la restitution partielle aurait dû être versée en déduction du montant de l’indemnité destinée à compenser la démolition et la reconstruction.
En effet, dans le cadre d’une action estimatoire, la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de la réduction du prix de vente prévue à l'article 1644 du code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de ce cocontractant (Cass Civ. III, 8 avr. 2009, 07-19690).
PRODUITS DEFECTUEUX : RUPTURE DE PROTHESE ET ABSENCE DE RESPONSABILITE MEDICALE
L'instauration par la loi du 19 mai 1998 d'un régime de responsabilité de droit du producteur du fait des produits défectueux, les restrictions posées par l'article 1386-7, devenu 1245-6 du code civil à l'application de ce régime de responsabilité à l'égard des professionnels de santé et des établissements de santé, la création d'un régime d'indemnisation au titre de la solidarité nationale des accidents médicaux non fautifs et des affections iatrogènes graves sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique et le fait que les professionnels de santé ou les établissements de santé privés peuvent ne pas être en mesure d'appréhender la défectuosité d'un produit, dans les mêmes conditions que le producteur, justifient, y compris lorsque se trouve applicable l'article L. 1142-1, alinéa 1er, de ce code, de ne pas soumettre ceux-ci, hors du cas prévu par l'article 1245-6 précité, à une responsabilité sans faute, qui serait, en outre, plus sévère que celle applicable au producteur, lequel, bien que soumis à une responsabilité de droit, peut bénéficier de causes exonératoires de responsabilité.
Cass. Civ. I, 26 février 2020, 18-26256, Publié au bulletin (Voir la motivation) ; RC et Ass.n° 5, Mai 2020, étude L.Bloch 7, p.6 ; RDC juin 2020, p. 14, note Jean-Sébastien Borghetti
LA RESPONSABILITE DU MEDECIN NECESSITE LA PREUVE D'UNE FAUTE
Selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er, du Code de la santé publique les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Dès lors que ceux-ci sont tenus d'une obligation de moyens, la preuve d'une faute incombe, en principe, au demandeur.
l'atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est fautive en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique.
Toutefois, l'application de cette présomption de faute implique qu'il soit tenu pour certain que l'atteinte ait été causée par le chirurgien lui-même en accomplissant son geste chirurgical.
Cass. Civ. I, 26 février 2020, n° 19-13423 et 19-14240 ; RC et Ass.n° 5, Mai 2020, comm. 109, note L.Bloch ; RDC juin 2020, p. 14,note Jean-Sébastien Borghetti,
LE MANQUEMENT CONTRACTUEL PEUT CONSTITUER UNE FAUTE QUASI-DELICTUELLE A L'EGARD DES TIERS
Aux termes de l’article 1199 du Code Civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121. Les contrats, opposables aux tiers, ne peuvent, cependant, leur nuire.
Suivant l’article 1240, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l’égard d’un tiers au contrat lorsqu’il lui cause un dommage et il importe de ne pas entraver l’indemnisation de ce dommage.
Dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.
En conséquence, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Assemblée Plénière, Arrêt n°651 du 13 janvier 2020, 17-19963 ; bjda.fr 2020, n° 68, note A. Cayol - Consécration de la jurisprudence (discutée) de l'arrêt d'Assemblée plénière du 6 octobre 2006, 05-13255, Bull. 2006 - RDC juin 2020, p. 40, note Geneviève Viney - S'il n'y a pas à distinguer entre la violation d'une obligation de résultat ou de moyen, il appartient au tiers de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre le manquement contractuel et le préjudice allégués.
RESPONSABILITE SPORTIVE : FAUTE EXCEDANT LES RISQUES NORMAUX DE LA COMPETITION
La faute grossière commise du fait d'une violation des règles du jeu caractérisée par un excès d'engagement ou la brutalité d'un joueur envers un adversaire " lorsqu'ils disputent le ballon quand il est en jeu", laquelle faute excède les risques normaux du foot-ball, est de nature à engager la responsabilité du joueur fautif.
Cass. Civ. II, 29 août 2019, 18-19700, Inédit ; GP 2019, n°02, p.27, note M.Dugué.
GENERALISATION ET CONDITIONS DU PREJUDICE D'ANXIETE
Le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
Cass. Soc. 11 Septembre 2019, 17-24879 et autres , GP 2020, n°2, p.25 ,note J.Traullé (mineurs de charbon). Cet arrêt tend à généraliser la solution de Ass. Plén., 5 avril 2019, 18-17442 et autres rendue en matière d'amiante. Toutefois l'employeur peut s'exonérer en démontrant qu'il avait effectivement mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et il appartient à la victime de rapporter la double preuve : de l'exposition au risque et de l'existence du "préjudice d'anxiété résultant du risque élevé de développer une pathologie grave"...
CIRCULATION
NOTION D'IMPLICATION
Est impliqué, au sens de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tout véhicule ayant joué un rôle quelconque dans la réalisation d'un accident.
Un véhicule ayant dérapé sur la chaussée rendue glissante par la présence d'huile « répandue involontairement » par un tracteur, ce dernier est impliqué dans l'accident.
Cass. Civ. II, 16 janvier 2020, 18-23787, Publié au bulletin
CONSTRUCTION
L’action de l’article 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construire.
Aux termes de l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.
Selon l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Selon l’article 26, II, de cette même loi, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Il en résulte que l'action du tiers à l'encontre d'un sous-traitant doit être engagée dans le délai de prescription de droit commun de 5 ans.
Cass. Civ. III, 16 janvier 2020, 18-21895 ; RGDA, avril 2020, p. 39, Note Pascal Dessuet ; bjda.fr 2020, n° 68, note F.-X. Ajaccio ; RC et Ass. Mai 2020, Etude P.Brun, n°8 p.12.
ACTION DIRECTE ET PRESCRIPTION
Des travaux de construction ont été réceptionnés en 2005.
Le maître de l'ouvrage a assigné en référé-expertise l'entreprise responsable de désordre en avril 2012, soit dans le délai de garantie décennale, de l'article 1792 du Code Civil.
Conformément à l'article L 114-1, du Code des Assurances, un délai de prescription de 2 ans à commencé à courir au profit de l'assureur décennal exposé au recours de son assuré pendant cette période.
Or, les victimes n'ont exercé leur action directe à l'encontre de cet assureur qu'en septembre 2016, soit plus de 10 ans après la réception, et plus de deux ans après la période pendant laquelle cet assureur est resté exposé au recours de son assuré, de sorte que leur action directe contre l'assureur du constructeur était prescrite.
Cass. Civ. III, 19 mars 2020, 19-12800
L’action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle soumise à une prescription de dix ans en application de l’article 2270-1, ancien, du code civil, réduite à cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
L’action de l’article 1792-4-3 du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construction agissant sur le fondement d’un trouble du voisinage.
A noter également que le rejet de l’ensemble des demandes présentées au juge des référés, qui avait épuisé sa saisine, étant définitif au sens de l’article 2243 du code civil, à défaut de signification de l’ordonnance dans les deux ans de son prononcé, l’interruption de la prescription consécutive à l’assignation devant cette juridiction doit être considérée comme non avenue.
Le recours d’un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable.
Une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s’ils ne le sont pas (Cass. Civ. III, 8 février 2012, 11-11417, Bull. 2012, III, n° 23).
Le délai de la prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil.
En effet, ce texte, créé par la loi du 17 juin 2008 et figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants .
Fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître de l’ouvrage en fin de délai d’épreuve, du droit d’accès à un juge ; que, d’ailleurs, la Cour de cassation a, dès avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, jugé que le point de départ du délai de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur n’était pas la date de réception de l’ouvrage (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23).
Il s’ensuit que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil et il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Selon les articles 2239 et 2241 du code civil, pour être interruptive de prescription, une demande en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire et la suspension de la prescription résultant de la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction n'est pas applicable au délai de forclusion de la garantie décennale.
Cass. Civ. III, 19 septembre 2019, 18-15833 ; RGDA 01/2020, p.38, note JP Karila
CONTRATS - CONSOMMATION
La clause ayant pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement du professionnel à l'une des ses obligations est présumée abusive de manière irréfragable, même si elle a été expressément insérée dans le contrat par le consommateur lui-même.
Cass Civ. I, 11 décembre 2019, 18-21164, Publié au bulletin ; LEDC, 01/2020, p.3, note G.Cattalanéo
Rappelons qu'il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code.
Cass. Civ. I, 27 novembre 2019, 18-22525, Publié au bulletin ; LEDC, 01/2020, p.4, note G.Cattalanéo
CLAUSE ABUSIVE : NOTION DE NON-PROFESSIONNEL
Une personne morale est un non-professionnel, au sens de l'article L 212-1 du Code de la Consommation en matière de clause abusive, lorsqu'elle conclut un contrat n'ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle .
Cass. Civ. III, 17 octobre 2019, 18-18469, Publié au bulletin - Cette notion de non-professionnel est également applicable en matière de L 136-1 du Code de la Consommation relatif à l'information en matière de reconduictin des contrats. Rappelons que le consommateur est défini comme "toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole".
FGTI : LA FAUTE DE LA VICTIME DIRECTE NE PEUT REDUIRE LE DROIT A INDEMNISATION DE LA VICTIME INDIRECTE
Selon l'article 706-3 du code de procédure pénale, la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage.
Seule la faute de la victime directe doit être prise en considération par le juge de l'indemnisation pour déterminer si la réparation doit être refusée ou si son montant doit seulement être réduit.
Le FGTI ne saurait donc réduire l'indemnisation d'un enfant de deux ans en raison de la faute qu'aurait pu commettre son père assassiné.
Cass. civ.II, 12 décembre 2019, 18-21360, Publié au bulletin
ASSURANCES
LA LIMITATION TERRITORIALE D'UNE GARANTIE D'ASSURANCE N'EST PAS CONTRAIRE AU DROIT DE L'UE
L’article 18, premier alinéa, TFUE prévoit que, dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.
Il doit être interprété en ce sens que cette interdiction ne trouve pas à s’appliquer à une clause, prévue dans un contrat conclu entre une compagnie d’assurances et un fabricant de dispositifs médicaux (prothèses PIP), limitant la portée géographique de la couverture d’assurance de responsabilité civile du fait de ces dispositifs aux dommages survenus sur le territoire d’un seul État membre, dès lors qu’une telle situation ne relève pas, en l’état actuel du droit de l’Union, du domaine d’application de celui-ci.
CJUE 11 juin 2020, C-581/18 - TÜV Rheinland LGA Products et Allianz IARD
GARANTIE DES PERTES D'EXPLOITATION D'UN RESTAURANT PENDANT LA PERIODE DU COVID
Un restaurateur a souscrit pour l’un de ses quatre restaurants une police d’assurance auprès de la Compagnie AXA prévoyant notamment une extension de sa garantie perte d’exploitation au cas de "fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène et de sécurité".
N'ayant pu exploiter son établissement normalement du fait de l’interdiction d’accueillir du public faisant l’objet des mesures adoptées dans le cadre de la loi d'urgence sanitaire et a sollicité la mise en jeu de cette garantie perte d'exploitation.
AXA a refusé l’application de sa garantie au motif que la loi d’urgence sanitaire n'entrait pas dans les conditions du contrat et que celui-ci ne couvrait pas les conséquences de la pandémie, risque inassurable en l’état.
Saisi en référé, le Président du Tribunal de Commerce de Paris a estimé qu’il n’y avait pas de contestation sérieuse sur l’application de la garantie, a condamné AXA à verser, sous astreinte, une provision de 45.000 € à l’assuré, ainsi que 5.000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et a ordonné une mesure d’expertise judiciaire à l’effet d’évaluer les pertes d’exploitation.
Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce en date du 12 mai 2020, 2020017022
Pour échapper à la demande de provision, l'assureur avait invoqué le défaut d'urgence, lequel n'est pas une condition d'octroi d'une provision en référé, et invoqué une contestation sérieuse en ce qui concerne l'interprétation de la clause du contrat.
L’article 1188 du Code Civil dispose que le contrat doit s’interpréter d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.
En l’espèce, la Compagnie AXA n’a sans doute jamais eu l’intention de garantir les conséquences d'une pandémie, risque collectif qui, comme le risque nucléaire et le risque de guerre, est quasiment inassurable, mais le juge des référés a estimé qu’il appartenait alors à l’assureur "d’exclure" une telle éventualité.
Par ailleurs, dans le doute, l’article 1190 du Code Civil commande d’interpréter le contrat de gré à gré contre le créancier et en faveur du débiteur, sauf à considérer que le contrat d’assurance litigieux est un contrat d’adhésion, auquel cas il doit s’interpréter contre l’assureur.
La décision rendue par le Juge des Référés doit inciter les assureurs à faire preuve de la plus grande rigueur quant à la formulation de leurs clauses.
RECOURS DE L'ASSUREUR EN CAS D'ENRICHISSEMENT INJUSTIFIE DE L'ASSURE
Conformément à l'actuel article 1303-1 du Code Civil, l'assureur peut demander à son assuré, qui a ainsi bénéficié d'un enrichissement injustifié, la restitution de l'indemnité qu'il a acquittée par erreur entre les mains de son créancier.
Cass. Civ. II, 20 mai 2020, 19-12239 ; Dalloz-Actualité, 18/06/2020, note R.Bigot. A noter que contrairement à l'avis du Médiateur de l'Assurance en la matière , la Cour de Cassation a implicitement validé sa Jurisprudence selon laquelle les parties au contrat d'assurance peuvent légitimement assortir la garantie vol de conditions dont il appartenait à l'assuré de rapporter la preuve (Cass. Civ. II, 16 déc. 2004, 03-18232, RGDA 2005, p. 182, note J. Kullmann ; Cass. Civ. II, 13 oct. 2005, 04-13048, RC et Ass 2005, n° 365 ; RGDA 2006. 197, note M.-H. Maleville ; Cass. Civ. II, 5 avril 2007, 06-15793 ; Cass. Civ. II, 22 octobre 2009, n° 08-19565, RC et Ass. févr. 2010, n° 51, note H. Groutel).
Rappelons qu'en vertu des actuels articles 1346 et 1346-4 du code civil, celui qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut prétendre bénéficier de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette, et que la subrogation s'étend aux accessoires de la créance à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier : Voir Cass. Civ. I, 11 mars 2020, 19-14104, note Axelle Astegiano-La Rizza "Paiement de la dette d'autrui par l'indemnité d'assurance et subrogation légale", LEDA juin 2020, p. 2
Soulignons également que l'assureur ne peut se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de l'assuré que si l'indemnisation du siniste résulte d'une obligation mise à sa charge par le contrat d'assurance. Cass. Civ. I, 7 décembre 2006, n° 04-14096 : Voir : Argus de l'Assurance, "La validité de la subrogation légale de l’assureur dommages repose sur la démonstration de l’existence de la garantie. Comment éviter ce piège qui peut coûter cher", Bertrand Neraudau et Simon Le Grill.
OPPOSABILITE DES EXCEPTIONS A LA VICTIME
Selon L. 112-6 du code des assurances l'assureur peut opposer au porteur de sa police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.
L'assureur de responsabilité civile professionnelle est donc fondé à opposer aux tiers les clauses d'exclusion ou de limitation de garantie opposables à l'assuré, même si elles ne sont pas reproduites sur l'attestation d'assurance délivrée à ce dernier.
Cass. Civ. III, 13 février 2020, 19-11272 ; RGDA, avril 2020, p. 21, note L.Mayaux
LA FAUTE DOLOSIVE EST CELLE QUI FAIT DISPARAITRE L'ALEA
La faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l’exclusion de garantie dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire.
Les moyens employés par un assuré, en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans le séjour, “dépassaient très largement ce qui était nécessaire pour uniquement se suicider” et témoignaient de la volonté de provoquer une forte explosion et que si l’incendie n’avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou partie de l’immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait pas être ignorée de l’incendiaire, même s’il était difficile d’en apprécier l’importance réelle et définitive.
On peut en déduire que l'assuré a commis une faute dolosive excluant la garantie de son assureur.
Cass. Civ. II, 20 mai 2020, 19-11538 - La réalisation des dommages occasionné par l'explosion qu'il avait provoquée intentionnellement, n'avait aucun caractère aléatoire pour l'assuré. Gaz. Pal. 7 juill. 2020, p. 10, note Antoine Touzain ; S. Abravanel-Jolly : "La faute dolosive appliquée au suicide de l’assuré", BJDA n°70.
En se jetant sous le train qui arrivait en gare, l’intention d'un assuré était de mettre fin à ses jours et rien ne permet de conclure qu’il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, de sorte que son assurance de responsabilité n’avait pas perdu tout caractère aléatoire, en l’absence de faute dolosive, en ce qui concerne les dommages matériels subis par la SNCF.
Cass. Civ. II, 20 mai 2020, 19-14306 bjda.fr 2020, n° 69, note L. Perdrix - Enl'espèce, il n'est pas établi que l'assuré ait pu avoir conscience d'occasionner des dommages matériels à un tiers en se suicidant. Jérôme Kullmann : "Connaissance, conscience et volonté : retour sur les fautes intentionnelle et dolosive, à l'occasion de deux arrêts sur le suicide et les dommages causés à autrui", RGDA septembre 2020, p. 7 et "Dommages causés par l'assuré à l'occasion de son suicide : la possibilité d'une faute dolosive", RGDA sept. 2020, p. 24
Ayant relevé que les expertises diligentées avant et après un effondrement avaient constaté la gravité des désordres affectant la grange en sa partie appartenant à l'assuré et qu'en dépit de cette gravité apparente et de trois lettres de mise en garde qui lui avaient été précédemment adressées pour attirer son attention sur l'urgence de faire procéder à des réparations, cet assuré, qui ne pouvait ignorer qu'en l'absence de travaux de consolidation, la couverture de sa partie de grange assurée était vouée à un effondrement certain à brève échéance, était demeuré sans réaction, sa persistance dans sa décision de ne pas entretenir la couverture de son immeuble manifestait son choix délibéré d'attendre l'effondrement de celle-ci, un tel choix, qui avait pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, constituait une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur.
Cass. Civ. II, 25 octobre 2018, 16-23103, Publié au bulletin ; RDC 2019, 115u3, p. 42, note S.Pellet ; Gaz. Pal. 29 oct. 2019, p. 50, note B.Cerveau
FAUTE INTENTIONNELLE ET INTENTION DE CAUSER LE DOMMAGE TEL QU'IL EST SURVENU
La renonciation non équivoque de l'assureur à se prévaloir de l'exclusion légale de garantie résultant de la faute intentionnelle, dès lors que le fait de poursuivre les opérations d'une expertise amiable afin de déterminer l'étendue des dommages résultant d'un sinistre n'implique pas, à lui seul, la volonté de renoncer à invoquer une telle exclusion.
Cass. civ. II, 5 mars 2020, 19-10371 ; LEDA mai 2020, p. 3, note Sabine Abravanel-Jolly.
Un Avocat a usé de ses fonctions pour donner un aspect de légitimité à un ensemble d'opérations immobilières fictives initiées par un tiers, lui offrant notamment les moyens de commettre ses agissements répréhensibles et de renforcer la crédibilité des actes aux yeux des victimes.
Cet avocat s'est proposé d'être le séquestre des sommes prétendument dues à une personne présentée comme sa cliente mais dont il n'avait pas vérifié l'identité, et a sollicité des acquéreurs de nombreux frais et honoraires.
Ayant conscience du caractère fictif des opérations et de l'impossibilité de restituer les fonds encaissés par ses soins, il a participé sciemment à des faits pénalement répréhensibles de sorte qu'on peut en déduire qu'il avait eu la volonté de créer le "dommage tel qu'il est survenu", commettant ainsi une faute intentionnelle exclusive de la garantie de son assureur de responsabilité, au sens de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances.
Cass. Civ.I, 8 janvier 2020, 18-19782 18-19832 ; Gaz. Pal. 16 juin 2020, p. 57, note Bélinda Waltz-Teracol - Voir également : Cass. Civ. II, 1 juillet 2010, 09-14884, Publié au bulletin - A contrario : Cass. Civ., 29 mars 2018, n° 17-11886, 17-16558 - S. Abravanel-Jolly, "La faute intentionnelle ou dolosive en droit des assurances", bjda.fr 2019, n° 66.
Afin de sauvegarder l'action directe de la victime, la Cour de Cassation est extrèmement restrictive pour caractériser la faute intentionnelle de l'assuré en matière d'assurance de responsabilité, laquelle faute n'est retenue que si l'assuré a eu la volonté délibérée de causer le dommage à un tiers "tel qu'il est survenu". Une telle volonté relève de l'appréciation souveraine des Juges du fond. Ainsi le critère de gravité de la faute de l'assuré ne suffit pas à caractériser l'intention de causer le dommage tel qu'il s'est finalement réalisé.
En ce qui concerne les avocats, il est rare qu'un dommage soit délibérément causé à un client, alors que celui-ci est le plus souvent la conséquence, d'une imprudence, incompétence, négligence ou d'une procrastination en matière de respect des délais... Dès lors, il semble que la Cour de Cassation ait tendance à prendre en considération, au cas par cas, des critères de "malveillance", voire de "malhonnêteté", pour caractériser la "volonté de causer le dommage", notamment lorsque l'avocat ment à son client.
Il est est ainsi, notamment, lorsqu'un avocat ne s'est pas contenté de laisser prescrire l'action par oubli voire par négligence, mais a donné de fausses indications à son client en lui laissant croire que les assignations avaient été délivrées et que la procédure était en cours, que la prescription de l'action est intervenue du fait du comportement de l'avocat et de ses déclarations mensongères, caractérisant ainsi "l'intention de causer le dommage tel qu'il est survenu" : Cass. Civ. II, 1er Juillet 2010, 09-14884, dont on retiendra qu'il a été publié au Bulletin...
A noter que l'avocat n'est alors plus dans son rôle, de tels agissements étant contraires aux principes essentiels de sa profession, notamment de loyauté.
Cette solution ne peut intervenir qu'avec la plus grande circonspection, dans la mesure où elle a pour effet de priver le client de toute garantie de l'assureur de l'avocat...
Selon l'article . 113-1, alinéa 2, du code des assurances, la faute intentionnelle, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction.
La condamnation pénale de l'assuré pour un incendie volontaire n'implique pas, en elle-même, qu'il ait recherché le dommage tel qu'il est survenu, de sorte que la garantie de son assureur de responsabilité civile reste applicable.
Cass. Civ. II, 16 janvier 2020, 18-18909 Gaz. Pal. 16 juin 2020, p. 58, note Bélinda Waltz-Teracol
CONDITION DE L'EXCLUSION DU VICE PROPRE DE LA CHOSE ASSUREE
L'article L121-7 du code des assurances prévoit que les déchets, diminutions et pertes subies par la chose assurée et qui proviennent de son vice propre ne sont pas à la charge de l'assureur, l'expression de "vice propre" visant les défauts qui résultent d'une mauvaise composition ou d'un vice de fabrication propre à la chose assurée.
Il en résulte que la mauvaise réalisation par l'assuré de la pose d'un spot dans un espace trop étroit ayant favorisé l'apparition d'un court-circuit à l'origine de l'incendie de son camion, consécutif à une faute de l'assuré, l'exclusion légale de l'article L. 121-7 ne peut jouer et l'assureur lui doit sa garantie.
Cass. Civ. II, 24 octobre 2019, 18-20039 ; RGDA 01/2020, p.30, note A.Pélissier
DECLARATION DU RISQUE
L'assureur ne peut invoquer une fausse déclaration intentionnelle à l'encontre de son assuré sans justifier lui avoir posé, lors de la conclusion du contrat, une question précise relative aux conditions d'occupation des locaux impliquant la révélation de la présence d'un locataire et sans préciser en quoi les dispositions des conditions particulières lui permettaient, le cas échéant, d'induire l'existence d'une telle question.
Cass. Civ. II, 21 novembre 2019, 18-21325 ; RGDA 01/2020, p.27, note A.Pimbert
ASSURANCE AUTOMOBILE : INOPPOSABILITE A LA VICTIME ET AU FGAO DE LA NULLITE DE LA NULLITE POUR FAUSSE DECLARATION DE L113-8 C.ASS.
la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 juillet 2017, C 287-16) que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, et l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat.
Il s'en déduit que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, qui a abrogé et codifié les directives susvisées, n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit.
Aux termes de l' Article R 421-18du même code, lorsqu'un contrat d'assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l'emploi du véhicule qui a causé des dommages matériels, le FGAO ne peut être appelé à indemniser la victime ou ses ayants droit qu'en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d'assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit.
Il en résulte que la nullité, pour fausse déclaration intentionnelle, d'un contrat d'assurance étant inopposable à la victime, le FGAO ne peut être appelé à prendre en charge tout ou partie de l'indemnité versée par l'assureur et doit être mis hors de cause dans l'instance engagée par ce dernier à l'encontre de son assurée.
Cass. Civ. II, 16 janvier 2020, 18-23.381, Publié au bulletin ; RGDA avril 2020, p. 27, note James Landel - Cass. Crim., 08 septembre 2020, 19-84983 ; RGDA octobre. 2020, p. 22, note James Landel
PROCEDURE
LE NON RESPECT D'UNE CLAUSE COMPROMISSOIRE EST UNE EXCEPTION DE PROCEDURE
Conformément à l'article 74 du code de procédure civile, l'exception tirée de l'existence d'une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure, de sorte qu'elle doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, et notamment devant le Juge de la Mise en Etat devant le Tribunal Judiciaire (Art. 789 CPC).
Cass., Civ. I, 13 mai 2020, 18-25966, Publié au bulletin ; LEDC juill. 2020, p. 3, note Gaëtan Guerlin ; Gaz. Pal. 23 juin 2020, p. 35, Catherine Berlaud ; ; LEDC juillet 2020, p. 3, note Gaëtan Guerlin.
INOPPOSABILITE D'UNE CLAUSE D'ATTRIBUTION DE JURIDICTION A L'ASSURE EN MATIERE DE GRAND RISQUE
L’article 15, point 5, et l’article 16, point 5, du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, et relatifs à l'assurance, prévoyant notamment une dérogation en matière de "Grands Risques", doivent être interprétés en ce sens que la clause attributive de juridiction prévue dans un contrat d’assurance couvrant un "grand risque", au sens de cette dernière disposition, conclu par le preneur d’assurance et l’assureur, ne peut être opposée à la personne assurée par ce contrat, qui n’est pas un professionnel du secteur des assurances, qui n’a pas consenti à cette clause et qui est domicilié dans un État membre autre que celui du domicile du preneur d’assurance et de l’assureur.
CJUE, 27 février 2020, C-803/18 - Une telle solution vide donc de son sens les dispositions du réglement précitées, notamment lorsque la clause a été souscrite dans le cadre d'un programme international d'assurance par le souscripteur d'une police "master" pour le compte de filiales étrangères.
LOI APPLICABLE A L'ACTION DIRECTE CONTRE L'ASSUREUR DU RESPONSABLE
Si, en application de l'article 18 du Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 ("Rome II"), en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle, déterminée conformément à l'article 4 du règlement ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit, le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi de ce contrat.
Dès lors, un assureur subrogé dans les droits d'une victime peut exercer l'action directe, admise par la loi française, loi du lieu de survenance du dommage, il peut se voir opposer la loi étrangère à laquelle le contrat d'assurance était soumis, en ce que celle-ci prévoit, en cas de sinistres sériels, une indemnisation des victimes au prorata de l'importance du préjudice subi, dans la limite du plafond de la garantie souscrite par l'assuré.
Cass. Civ. I, 18 décembre 2019, 18-14827 et suivant ; LPA 22.01.2020, p.13, note V.Legrand - Solution conforme à Cass. Civ. I, 9 septembre 2015, 14-22794.
UNE EXPERTISE AMIABLE NE GARANTIT PAS LE RESPECT DU CONTRADICTOIRE
Aux termes de l'article 16 du Code de Procédure Civile, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il en résulte que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci.
Cass. Civ. III, 14 mai 2020, 19-16278 et 19-16279 ; publié au Bulletin ; LEDC juillet 2020, p. 6, note Sophie Pellet ; RGDA octobre 2020, p. 30, note Romain Schulz
La Cour de Cassation écarte le caractère contradictoire d'une expertise diligentée à l'initiative d'une seule partie, dans la mesure où elle n'a pas été ordonnée judiciairement, même si toutes les parties y ont participé.
Elle semble ainsi estimer que les dispositions des articles 232 et suivants du Code de Procédure Civile relatives aux mesures d'instruction exécutées par un technicien désigné par un Juge sont seules à même de garantir le respect du contradictoire de l'expertise.
Cette décision est conforme à une jurisprudence qui laissait dans l'ombre le point de savoir si cette expertise non judiciaire avait été effectuée contradictoirement : Cass. Civ. II, 14 décembre 2017, 16-24305
L'expertise amiable est pourtant un procédé fiable, rapide et économique, couramment utilisée notamment dans le réglement de sinistre.
Mais, elle ne peut se suffire à elle-même, si elle n'est pas corroborée par d'autres éléments de preuve...
Il n'en reste pas moins qu'il est parfaitement possible aux parties de se mettre d'accord pour l'organisation d'une expertise judiciaire, dans le cadre de l'article 145 du Code de Procédure Civile, ou dans celui d'une Convention de Procédure Participative homologuée par le Juge.
Dans ce dernier cas, les parties peuvent désigner l'Expert de leur choix, après s'être mis d'accord avec lui sur sa mission, la durée et le coût de ses opérations.
INTERRUPTION ET SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION EN CAS D'EXPERTISE JUDICIAIRE
Selon l'article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, cette action directe de la victime étant une action autonome qui procède du droit propre dont elle dispose contre l'assureur de responsabilité (Cass. Civ. II, 3 mai 2018, 16-24099 et 16-25476.
Selon l'article 2239 du Code Civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
Une assignation en référé aux fins de rendre communes à un tiers les opérations d'expertise précédemment ordonnées interrompt la prescription à l'égard de ce tiers : (Cass. Com., 30 juin 2004, 03-10751)
.Cette solution doit être étendue à l'effet suspensif prévu par l'article 2239 du code civil, de sorte que si une ordonnance de référé qui fait droit à une demande tendant à rendre communes à un tiers les opérations d'expertise ordonnées avant tout procès, cette ordonnance suspend la prescription à l'égard de ce tiers.
Cass. Civ. III, 13 février 2020, 18-23723 ; RGDA avril 2020, p. 46, Note Romain Schulz
Toutefois, une demande d'expertise en référé sur les causes et conséquences des désordres et malfaçons ne tend pas au même but que la demande d'annulation d'un contrat de construction, de sorte que la mesure d'instruction ordonnée n'a pas suspendu la prescription de l'action en annulation du contrat.
Cass. Civ. III, 17 octobre 2019, 18-19611 18-20550 ; Publié au bulletin
Rappelons qu'il résulte de l'article 2241, alinéa 1er, du code civil que "La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure. Toutefois, la caducité d'une assignation lui fait perdre son effet interruptif : Ass. plén., 3 avril 1987 : JCP G 1987, II, 20792, concl. M. Cabannes ; Gaz. Pal. 1987, 2, somm. p. 173, note H. Croze et Ch. Morel ; RTD Civ., 1987, p. 401, obs. R. Perrot ; D. 1988, Somm. p. 122, obs. P. Julien.
Une citation en justice n'interrompt la prescription que si elle a été signifiée par le créancier lui-même au débiteur se prévalant de la prescription : Cass. Com., 9 janvier 1990, 88-15354
Il résulte également de l'article 2240 du code civil que la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrit ne bénéficie qu'au créancier concerné par cette reconnaissance.
Cass.civ. II, 5 mars 2020, 19-15406, Publié au bulletin - (En matière de propositions d'indemnisation par le FIVA à des victimes de l'amiante).
Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
Cass. Civ. I, 9 mai 2019, 18-14736, publié au Bulletin - Cass. Civ. II, 19 décembre 2019, 18-25333, publié au Bulletin ; RDC juin 2020, p. 45, note Rémy Libchaber - Voir Actes du colloque "La prescription civile : 10 ans après la réforme", et notamment : "Le cours de la prescription sous l'empire de la loi du 17 juin 2008 (suspension et interruption des délais)", RDC juin 2020, p. 134, note Lucie Mayer - "La prescription en droit des assurances et en droit de la consommation" , RDC juin 2020, p. 146, note Garance Cattalano
De la même façon, la suspension de la prescription, en application de l'article 2239 du code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé et tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu'à son profit : Cass. civ. III, 19 mars 2020, 19-13459, Publié au bulletin ; LEDC juillet 2020, p. 5, note Olivia Sabard ; - Cass. Civ. II, 31 janvier 2019, 18-10011
NULLITE D'UN RAPPORT D'EXPERTISE JUDICIAIRE : NECESSITE DE PROUVER UN GRIEF
Les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l'absence de communication à une partie de l'argumentaire adressé par une autre partie à l'expert qui en a tenu compte dans son rapport, constitue l'inobservation d'une formalité substantielle sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
Cass. Civ. II, 23 janvier 2020, 19-10584, Publié au bulletin
PROTECTION DES DONNEES PERSONNELLES :
ETENDUE DU DROIT A DEFERENCEMENT
Par une décision du 21 mai 2015, la présidente de la CNIL a mis en demeure la société Google Inc., lorsqu’elle fait droit à une demande d’une personne physique tendant à la suppression de la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de son nom, de liens menant vers des pages web, d’effectuer cette suppression sur toutes les extensions de nom de domaine de son moteur de recherche.
Par une délibération du 10 mars 2016, après avoir constaté que la société ne s’était pas, dans le délai imparti, conformée à cette mise en demeure, la formation restreinte de la CNIL a prononcé à son encontre une sanction, rendue publique, de 100 000 euros.
Par son arrêt du 24 septembre 2019, Google LLC contre CNIL (C-507/17), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que : "l’article 12, sous b), et l’article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995 [...], ainsi que l’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, [...] doivent être interprétés en ce sens que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche fait droit à une demande de déréférencement en application de ces dispositions, il est tenu d’opérer ce déréférencement non pas sur l’ensemble des versions de son moteur, mais sur les versions de celui-ci correspondant à l’ensemble des Etats membres et ce, si nécessaire, en combinaison avec des mesures qui, tout en satisfaisant aux exigences légales, permettent effectivement d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes effectuant une recherche sur la base du nom de la personne concernée à partir de l’un des Etats membres d’avoir, par la liste de résultats affichée à la suite de cette recherche, accès aux liens qui font l’objet de cette demande".
Pa arrêt du 27 mars 2020, le Conseil d'Etat a donc annulé la délibération attaquée, au motif qu'en l’état du droit applicable, aucune disposition législative prévoit qu’un tel déréférencement pourrait excéder le champ couvert par le droit de l’Union européenne pour s’appliquer hors du territoire des Etats membres de l’Union européenne, et qu’au surplus une telle faculté ne peut être ouverte qu’au terme d’une mise en balance entre, d’une part, le droit de la personne concernée au respect de sa vie privée et à la protection des données à caractère personnel la concernant et, d’autre part, le droit à la liberté d’information.
CE, 27/03/2020, 29922 sur le site de la CNIL
LIMITE DU DROIT A EFFACEMENT
Le e) du 3 de l'article 17 du RGPD prévoit que le droit d'obtenir du responsable du traitement l'effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel ne s'applique pas lorsque "ce traitement est nécessaire à la constatation, à l'exercice ou à la défense de droits en justice", ce qui peut être le cas lorsque des actions contentieuses sont engagées contre la CPAM à qui il est demandé cet effacement.
CE, 10e ch., 12 février 2020, 430803