Jean-François CARLOT, Docteur en Droit, Avocat Honoraire
| TENDANCES JURISPRUDENTIELLES publiées au 2e semestre 2016 |
RESPONSABILITES |
Si le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux qui ne sont pas destinés à l'usage professionnel ni utilisés pour cet usage n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, telles la garantie des vices cachés ou la faute.
Dans la mesure où l'acquéreur ne démontre pas l'existence d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit fourni, son action ne peut être fondée que sur les articles 1386-1 et suivants du code civil, et non sur les articles 1147 ou 1603 du même code.
Cass. Civ. I, 17 mars 2016, 13-18876 ; RC et Ass. 2016, Com.158, note complète D.Bakouche - Cass. Com. 26 mai 2010, 08-18545 ; RDC 2010, 1266, Obs. Carval.
Rappelons toutefois que les biens à usage professionnel sont exclus du régime des articles 1245 et suivants (nouveaux) du Code Civil recodifiés.
Cass. Com., 24 juin 2008, 07-11744 ; RTDC 2008, 685 ; Dalloz 2008, 2318, Note J.-B. Borghetti ; JCP 2008, I, 186, note Stoffel-Munck ; RDC 2009, 1381, Note G.Viney
Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux est exclusif d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun fondés sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, à l'exception des hypothèses de responsabilités pour faute et de garantie des vices cachés.
Cass. Civ. I, 25 février 2016, 14-29000 ; J.S. Borghetti : "Quand le régime spécial de la Responsabilité Civile du fait des produits défectueux exclut les règles de la Responsabilité Civile contractuelle... à tort ou à raison", Revue des Contrats, 2016, p.442 - "La verdeur de la responsabilité des produits", SJ 2016, 1049![]()
Voir également Dossier spécial : "La Responsabilité Civile du fait des produits défectueux : 30 ans après" , RC et Ass. 2016, 1 à 15.
Aux termes de l'article 2270-1 du code civil, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; qu'en cas de dommage corporel ou d'aggravation du dommage, la date de la consolidation fait courir le délai de la prescription prévu par ce texte.
Dès lors qu'un produit dont le caractère défectueux est invoqué a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, l'article 2270-1 (Art. 2226) doit être interprété dans toute la mesure du possible à la lumière de la directive.
Le délai de prescription de l'article 10 de la directive court à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
Par suite, la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, au sens de l'article 2270-1, (2226) interprété à la lumière de la directive, doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci
Cass. Civ. I, 15 juin 2016, 15-20022
ASSURANCES |
Si la clause d'une police d'assurance responsabilité civile "Produits livrés" souscrite par un assuré peut exclure de la garantie les frais nécessaires pour améliorer, réparer, refaire ou remplacer le produit livré par l'assuré ainsi que le remboursement dudit produit, cette exclusion ne concerne que les matériels fournis par l'assuré lui-même, mais non les dommages subis par d'autres éléments d'une installation industrielle dont l'assuré serait responsable.
Cass. Civ. III, 2 juin 2016, 15-10898 15-11341![]()
La faute intentionnelle au sens de l'article L 113-1 du Code des Assurances, est celle qui caractérise la volonté de l'assuré de causer le dommage tel qu'il est survenu.
Il ne suffit donc pas que l'assuré ait créé le risque qui s'est réalisé, ou ait commis une faute lourde ou grave à l'origine du sinistre pour faire échec à l'application de la garantie RC.
Cass. Civ. III, 13 juillet 2016, 15-20512 15-24654 - - Cass. Civ. III, 1er juillet 2015, 14-10210 14-11971 14-13403 14-17230 - Cass. Civ. III, 1er juillet 2015 14-19826 14-5003 - Solution constante :![]()
Aux termes de l'article 2239, alinéa 1, du code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
Selon l'alinéa 2 de ce texte, le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
Les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 114-3 du code des assurances ne font pas obstacle à l'application de l'article 2239 du code civil.
Il s'ensuit que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil est applicable aux actions dérivant d'un contrat d'assurance.
Cass. Civ. II, 19 mai 2016, 15-19792 Publié au bulletin - Dalloz 2016, 1133
Il est nécessaire de poser une question sur ce point, et non de se contenter d'une déclaration pré-imprimée :
Selon l'article L. 113-2 2° du Code des Assurances, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge.
Il résulte des articles L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-8 du code des assurances que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions.
Cass. Civ. II, 10 décembre 2015, 14-25046 14-29811
Toutefois, selon l'article L. 113-8 du code des assurances, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré et l'article L. 113-2 n'impose pas l'établissement d'un questionnaire préalable écrit.
le juge peut prendre en compte, pour apprécier l'existence d'une fausse déclaration, les déclarations faites par l'assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat.
Cass. Civ. II, 4 février 2016, 15-13850 - Publié au bulletin - M.Obarbaud : "La preuve de la fausse déclaration d'assurance", RC et Ass.2016, Etude 9.
Après avoir constaté que M. X... reconnaissait l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle portant sur la personne du conducteur principal du véhicule lors de la souscription du contrat, de sorte qu'elle n'avait pas à rechercher si cette déclaration spontanée procédait d'une réponse à des questions précises posées par l'assureur, et avoir retenu que cette fausse déclaration avait modifié l'opinion de l'assureur sur le risque, la cour d'appel en a justement déduit que le contrat d'assurance était nul.
Cass. Civ. II, 3 mars 2016, 15-13500 - Publié au bulletin
Lorsqu'il est constaté que M. X... avait apposé sa signature sous la mention « je déclare que mon habitation n'est pas équipée d'un insert ou d'un poêle », et estimé dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de ces termes et des circonstances dans lesquelles cette déclaration était intervenue, que celle-ci avait été nécessairement recueillie en réponse à une question précise, puis énoncé que s'agissant de l'installation d'un insert, la nouveauté ou le risque qu'elle peut représenter avait été envisagé par les parties lors de la souscription, pour en déduire que M. X... était tenu, légalement et contractuellement, d'aviser l'assureur de ces modifications survenues en cours de contrat.
Cass. Civ. II, 19 novembre 2015, 14-17010 ; Dalloz 2016, 297, note D.Noguero.
Dès lors qu'un assuré reconnaissait l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle portant sur la personne du conducteur principal du véhicule lors de la souscription du contrat, il n'y a pas lieu à rechercher si cette déclaration spontanée procédait d'une réponse à des questions précises posées par l'assureur, et il peut être retenu que cette fausse déclaration avait modifié l'opinion de l'assureur sur le risque de nature à entraîner la nullité du contrat.
Cass. Civ. II, 3 mars 2016, 15-13500 ; Dalloz 2016, 600 ; G.P. 29/03/2016, p.18, note D.Noguéro - Cass. Civ. II, 30 Juin 2016, 15-18855, 15-19772 L.Mayaux : "Les dangers de la spontaneïté", RGDA 2016 -
A.Pélissier : "L’exactitude de la déclaration de risques comme condition de la garantie : la vraie parade des assureurs !?!", RGDA 2016, 360.![]()
Vu l'article L. 312-9 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l'article L. 113-12 du code des assurances, et le principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales ;
Attendu que le premier de ces textes, qui régit spécialement le contrat d'assurance garantissant, en cas de survenance d'un risque qu'il définit, le remboursement total ou partiel du montant d'un prêt immobilier restant dû, ne prévoit pas de faculté de résiliation du contrat ou de substitution d'assureur.
Cass. Civ. I, 9 mars 2016, 15-18899 15-1965 ; Dalloz 2016, 1173, pano ; A.Pélissier : "De la "spécialité" de l'assurance emprunteur" Dalloz 2016, Etude p .1328 ; P.Bertrand, Réforme du Droit des contrats : Quel impact sur le contrat d'assurance ? – Dalloz 2016, Etude p.1156
Dans la mesure où la demande d'adhésion sous forme électronique a été établie et conservée dans des conditions de nature à garantir son intégrité, que la signature a été identifiée par un procédé fiable garantissant le lien de la signature électronique avec l'acte auquel elle s'attache, et que la demande d'adhésion produite à l'audience porte mention de la délivrance de ce document par la plate-forme de contractualisation en ligne Contraleo, permettant une identification et une authentification précise des signataires, le contrat d'assurance est régulièrement conclu.
Cass. Civ. I, 6 Avril 2016, 15-10732
Le défaut d'entretien connu et existant à la souscription, et à l'origine d'un sinistre survenant pendant la durée d'application du contrat d'assurance, conserve son caractère aléatoire.
Cass. Civ. II, 24 mars 2016, 15-16765 ; RGDA 2016, 238, note A.Pélissier![]()
PROCEDURE |
Le moyen tiré du défaut de mise en œuvre de la clause litigieuse, qui instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, constitue une fin de non-recevoir.
Cass. Civ. III, 19 mai 2016, 15-14464 - Publié au bulletin
Solution conforme à l'Arrêt de principe de la Chambre Mixte du 12 Décembre 2014, 13-19684.
LEGISLATION |
- Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations à effet du 1er Octobre 2016.
Commentaire J.Bigot, JCP 2016, G, 833 - A.Bénabent : "La "digestion" de la réforme (entrée en vigueur", Revue des contrats, 2016, p.608 - Dossier spécial : "Le nouveau discours contractuel », Revue des contrats 2016.
- Ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation
- Décret n° 2015-1382 du 30 octobre 2015 relatif à la médiation des litiges de la consommation
- Avant-projet de réforme de la responsabilité civile
DOCTRINE |
G.Viney : "L'espoir d'une recodification du droit de la responsabilité civile/i>", Dalloz 2016, 1378
J.-S. Borghetti : "Vue d'ensemble de l'avant-projet de réforme de la responsabilité civile", Dalloz 2016, 1386
G. Lardeux : "Le contrat de prestations de service dans les nouvelles disposition du Code Civil", Dalloz 2016, 1659
P. Bertrand : "Quel impact de la réforme (du droit des contrats) sur le contrat d'assurance ? , Dalloz 2016, 1156
R.Schulz : "Du caractère accessoire de la clause de direction de procès" ; RGDA 2016, p.267
R.Schulz : "L'indépendance de l'expertise judiciaire qui travaille pour une société d'assurance" ; RGDA 2016, 279
P. Baillot, le Médiateur de l'assurance : "Les charmes discrets de la Médiation de l'assurance", RGDA 2016, 466.
- J.Landel : "La médiation des litiges de la consommation : Un nouveau défi pour les assureurs" ; RGDA 2016, p.538.
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